Fibres végétales et matrices cimentaires

L’intérêt pour le développement durable qu’ont suscité les études sur l’accélération du changement climatique a conduit à réfléchir à l’élaboration de matériaux et dispositifs constructifs moins émetteurs de CO2, moins consommateurs de ressources non renouvelables et aussi largement recyclables que possible.

Dans cette perspective, l’idée de reprendre une technique traditionnelle, le renforcement par fibres végétales, dans un contexte de matrice à liant hydraulique, a déjà donné lieu à de nombreuses avancées pour obtenir un composite peu onéreux, moins émetteur de CO2, aux propriétés thermiques et sonores intéressante et au comportement mécanique acceptable : bétons de chanvre, de lin, de sisal…

Nous allons nous intéresser ici spécifiquement à l’interaction fibres végétales / matrice liante.  En effet, les recherches sur les composites cimentaires à fibres végétales qui portent principalement sur les résistances mécaniques de ces composites ont localisé à l’interface fibre/matrice les réactions clés de ce comportement mécanique. Le caractère général de ce tour d’horizon nous amène ici à parler indifféremment des composites fibres/ciment Portland ou fibres/chaux hydraulique, additionnés ou non de pouzzolanes, les fibres en question étant toujours du chanvre. L’ensemble des points ici abordés sont  traités en détail dans les documents de  la bibliographie fournie en fin de l’article.

Rappel des propriétés des matrices cimentaires renforcées par des fibres

Les matrices cimentaires pures qui présentent un comportement fragile passent à un comportement plus ductile lorsqu’elles sont additionnées de fibres végétales.
Il a été noté dans de nombreuses études  que les résistances en traction,  en flexion ainsi que  la ténacité du composite croissent avec la longueur des fibres jusqu’à un seuil d’à peu près 2% d’ajout en volume, seuil qui dépend de la natures des fibres végétales. L’ajout de fibres est aussi reconnu comme améliorant la résistance à l’impact des matrices solides.

De plus, nombreux sont les travaux qui mentionnent que l’incorporation de fibres limite le retrait pastique de la matrice.

Evolution de la fibre végétale au sein de la matrice

La résistance mécanique recherchée  du composite à base de fibre végétale, ne se maintient qu’autant que la fibre de ne se dégrade pas au sein du milieu spécifique qu’est une matrice cimentaire.

Deux mécanismes contribuent à la fragilisation des fibres végétales, avec une intensité dépendante de la nature des fibres :

1-      La décroissance de la résistance des fibres serait due, dans le milieu alcalin des matrices cimentaires, à la décomposition de la cellulose et de l’hémicellulose dont elles sont constituées.

2-      2- L’autre mécanisme correspond à la précipitation d’hydroxydes ou de carbonates de calcium à la surface ou dans les pores des fibres ce qui entraine leur fragilisation par perte de souplesse. Cette capacité des fibres à fixer les ions calcium serait elle-même la cause du retard de prise constatée lors de l’ajout de chanvre à un ciment. La pectine qui favorise la fixation des ions calcium sur les fibres agit comme un inhibiteur la croissance des CSH, produit principal de l’hydratation d’un liant hydraulique.

L’interface matrice / fibre végétale

La porosité et la fissuration de la zone interfaciale de transition entre la matrice et les fibres ont été mises en évidences par de nombreux auteurs qui voient dans cette zone le point de faiblesse du comportement mécanique du composite. La porosité de cette zone de transition serait  liée à l’importante absorption d’eau des fibres végétales qui mobiliserait l’eau de la pâte à l’état frais vers les fibres.

Des pistes d’amélioration du composite

La diminution de l’alcalinité et de la teneur en Ca(OH)2 de la matrice cimentaire, responsable de la minéralisation et de la fragilisation des fibres, pourrait être obtenues par un ajout de pouzzolanes en substitution d’une partie du ciment.

La modification de surface des fibres végétales pourrait améliorer le composite dans deux directions complémentaires :
une modification de leur propriétés mécaniques dans le sens d’une souplesse accrue,
une amélioration de l’adhésion des fibres à la matrice  pour optimiser la résistance de la zone de transition fibre/matrice.

Une autre piste enfin, est l’adjuvantation spécifique dont le but est de limiter les problèmes liés à la forte absorption d’eau des fibres. L’ajout d’un éther de cellulose à un liant pouzzolanique vise plusieurs effets :
l’augmentation de la cohésion interne du liant et sa rétention en eau,
la diminution de la capacité d’absorption par capillarité et diffusion vers les fibres,
la diffusion des particules du liant vers la surface et les pores de fibres.

Bibliographie

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