Panorama de la problématique de valorisation des matériaux d’excavation

Contexte et enjeu

Compte tenu du développement des réseaux souterrains, on a estimé à 250 M de tonnes la quantité de matériaux d’excavation extraits pendant les 20 dernières années en Europe. Le développement urbain, le développement des échanges et des transports font estimer cette production à 800 M de tonnes pour les 50 prochaines années. Ces quantités de matériaux atteignent une échelle telle que leur mise en dépôt, qui était autrefois sans alternative, devient impossible au moment même où s’effectue la prise de conscience du caractère fini des ressources minérales. On cesse donc de considérer a priori les matériaux d’excavation comme des déchets pour les considérer maintenant comme des matières premières.

La responsabilité environnementale du maître d’ouvrage

Le maître d’ouvrage est responsable de la gestion des matériaux extraits (article L.541-2 du code de l’environnement). Il prévoit les dossiers administratifs relatifs au transit ou à l’élaboration sur site des matériaux en vue d’une utilisation (installations classées pour la protection de l’environnement ou installations, ouvrages, travaux et aménagements). En priorité, le maître d’ouvrage devra définir les mesures afin de réemployer et valoriser les matériaux extraits lors du creusement d’ouvrage souterrains (article L.541-2-1 du code de l’environnement et article Art. L. 110-1-2 de la loi TECV). Outre ces mesures, il demeure responsable de la gestion de ces matériaux jusqu’aux filières finales.

 

Sous l’impulsion des législations environnementales nationales, mais aussi européennes, les autorisations de mise en chantier sont soumises à des exigences de réemploi de ces matériaux d’excavation. Pour ce qui concerne la France, L’AFTES avait édité des recommandations, en 2006, « La Gestion et la Valorisation des Matériaux d’Excavation », qui rappellent les responsabilités de chacun en termes de production et de traitement des déchets, qui énumèrent les principes généraux de la gestion et de la valorisation des matériaux d’excavation et qui recommandent une méthodologie de conduite adaptée du chantier. Une nouvelle version de ces recommandations devrait sortir très prochainement en 2016.
Toujours pour ce qui concerne la France, les entreprises de Travaux Publics, en particulier celles de terrassement et d’entretien et construction routière ainsi que les sociétés d’Ingénierie, ont  signé avec l’état, en 2009, une ambitieuse convention d’engagement volontaire sur ce sujet…. Enfin, les chantiers récents  de traversées ferroviaires alpines vers la Suisse, notamment, ont pris en compte cette injonction du réemploi des MATEX et donnent un intéressant retour d’expérience sur cette pratique dans de grands projets en souterrain.

Les objectifs de cette valorisation

Optimiser la gestion économique du chantier souterrain
Minimiser l’impact environnemental du projet en optimisant les procédés de valorisation et le transport des matériaux
Valoriser au maximum les matériaux excavés
Minimiser la production de CO2 dans le chantier souterrain
Minimiser l’espace de stockage de surface du matériau excavé
Tendre vers le zéro déchet

Tous les matériaux d’excavation ne sont pas propres à leur réemploi dans le béton nécessaire au chantier du tunnel. D’autres filières de valorisation doivent donc être envisagées en fonction de l’activité du territoire où se tient le chantier. C’est donc ici que nous croisons le concept d’écologie industrielle : ces réemplois diversifiés ne sont envisageables qu’à partir d’une caractérisation des matériaux d’excavation et des traitements les rendant propres à l’usage.
Dans ces conditions, des objectifs complémentaires peuvent être assignés à la gestion et à la valorisation des matériaux d’excavation :

Fournir en ressources minérales les chantiers proches du chantier de tunnel
Fournir des matières premières à d’autres industries connexes

Evidemment la réalité de l’avancée du chantier peut rendre obligatoire la révision de quelques-unes des conclusions des études préalables car si l’exploitation d’une carrière repose sur la possibilité de suivre les meilleures veines de matériaux, les matériaux d’excavation d’un tunnel sont… ceux que l’on trouve sur le tracé. Il convient donc de composer avec la géologie in situ,  parfois même différente de celle du projet, et d’adapter les options qui permettent de maximiser le réemploi.

Un cas particulier du réemploi de la ressource minéral : les granulats pour béton

Si les conditions géologiques sont favorables, on pourra produire, à partir du matériau excavé, des bétons conformes à la norme NF EN 206/CN et fournir, dans ces conditions, toutes les garanties nécessaires au maître d’ouvrage. L’approche performantielle (voir notre article sur ce sujet) qu’autorise la norme NF EN 206/CN, à côté de la démarche prescriptive de formulation des bétons, vise directement les résultats en termes de performance de durabilité plutôt que l’obligation de moyens ;  cette approche  permet donc  une approche originale de la formulation et introduit une certaine souplesse d’adaptation aux réalités du chantier.

La norme NF EN 206/CN en permettant le recours à des bétons dits à composition prescrite autorise ainsi l’utilisation dans des bétons de matériaux d’excavation dont la qualité n’est pas adaptée au départ à la production de granulats à béton. La formulation du béton proposée au producteur sur le chantier doit alors avoir fait ses preuves lors d’études poussées en amont. Tel est le cas, par exemple, des matériaux à forte teneur en sulfates extraits du tunnel Lyon-Turin, sujet sur lequel le lerm est engagé et dont nous parlons dans cette lettre.

Méthodologie générale de tri des matériaux excavés

La géologie du terrain et le mode d’excavation donnent aux matériaux d’excavation des caractéristiques qui définissent les utilisations que l’on peut en faire sous réserve de traitements adaptés.
Les matériaux d’excavation sont généralement répartis en 3 classes de valorisation possible :

Roche homogène de bonne qualité : béton projeté ou béton coulé
Roche hétérogène de qualité moyenne : remblais
Roche de qualité médiocre : dépôt définitif

La réalisation de bétons à partir  de matériaux excavés repose sur leur caractérisation prévisionnelle et à l’avancement, sur une préparation optimisée, sur la maîtrise du béton confectionné à partir de granulats concassés.

Trois critères principaux permettent le tri des matériaux bruts propres à la confection de bétons: ƒ

La dureté minimale de la roche ƒ
Caractérisation pétrographique précisant les teneurs en composants non appropriéesƒ (potentialité RAG,etc.)
Courbe granulométrique

 

En savoir plus

La gestion et la valorisation des matériaux d’excavation : Recommandation de l’AFTES.  GT 35RF1. 2007. – 32 p. (Version renouvelée à paraître en 2016)

Convention d’engagement volontaire des acteurs de conception, réalisation et maintenance des infrastructures routières, voirie et espace public urbain ; ministère de l’Ecologie, USIRF, SYNTEC-INGENIERIE, FNTP, Terrassiers de France, ADF ; mars 2009, 13 p.