Bauge et torchis : la collaboration des fibres végétales et de la terre

7,43 milliards, c’est le nombre d’hommes qui vivent sur la terre. 40% d’entre eux vivent à proprement parler dans la terre, car ils vivent dans des logements de terre crue… et cela se passe près de chez nous, car 2 à 3 millions de ces logements sont recensés en France.

Utilisée partout, la terre l’est aussi depuis très longtemps  puisqu’on a commencé à bâtir ainsi au néolithique. La grande disponibilité du matériau terre explique son emploi presque universel : biosourcé, abondant, accessible, disponible sans transport, il présente de nombreux atouts économiques et écologiques. Universellement utilisée, la terre est mise en œuvre de façon très diversifiée, en fonction des ressources et des cultures locales : torchis, bauge, pisé, adobe, dont les variantes sont infinies.

En France, la grande variété des sols autorise la diversité des techniques, dont ne sont pas non plus absentes les influences culturelles.

Nous nous intéressons plus particulièrement ici au torchis et à la bauge car ces deux techniques associent des fibres végétales à une matrice solide de terre.

Les France de la terre crue

France du Nord où la présence de limons argileux et de forêts permet l’association du bois et de la terre dans le torchis sur pans de bois et le colombage.
France de l’Ouest où domine la bauge.
La région de Lyon et de la vallée du Rhône acquise au pisé.
Le Sud et le Sud-Ouest où l’adobe apporté les Grecs peut coexister, dans le Sud-Ouest, avec le torchis.

Carte d’après Terra Europea. « Earthen Architecture in the European Union »

Rôle des fibres dans les matrices de terre crue

Les fibres donnent cohésion aux matrices et atténuent le retrait de dessiccation qui intervient lors du séchage du matériau qui est toujours préalablement humidifié pour le rendre plastique.

Le torchis

Le torchis est composé d’une matrice de terre renforcée de fibres végétales et parfois de poils d’animaux. Ce composé est plaqué sur une ossature de bois faite de bois tressé en clayonnage ou sur barreaux. Cette technique ancestrale qu’utilisaient déjà les celtes et les gaulois se développe ensuite sur les colombages à bois long à partir du 13e siècle et trouve son apogée sur la charpente à bois court développée à partir du 16e siècle, dont on trouve les plus remarquables exemples en Normandie et en Alsace.

La bauge

La bauge est une technique où la matrice de  terre ne vient pas en hourdage d’une structure mais où elle est-elle-même porteuse. La terre est humidifiée puis malaxée par piétinement jusqu’à l’obtention d’une pâte plastique. On y ajoute alors des fibres, le plus souvent végétales (paille, foin…). On foule l’ensemble. Le mélange est alors dressé à la fourche en lits superposés (sans banche comme c’est le cas pour le pisé) de 40 à 80 cm d’épaisseur qui sont ensuite tassés à coups de bâtons. Après séchage, les murs sont égalisés au paroir.


Ces techniques de construction en terre fibrée ont été employées en France jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis ont cédé la place à de nouveaux matériaux, le béton notamment, sous la pression d’un nouveau modèle économique. Le souci écologique d’un développement durable amène à reconsidérer ces techniques soit en les réemployant directement soit en les aménageant, par exemple en associant des fibres végétales à des liants hydrauliques. Ceci est l’objet de notre prochain article.