Portrait de Philippe Souchu, documentaliste au lerm

Propos recueillis par Bernard Quénée, directeur général délégué du lerm

 

 100-1703Philippe, peux-tu nous présenter la situation du service documentation au sein du lerm ?

Merci infiniment de venir me poser cette question et de rendre un instant visible un service qui est partout dans l’entreprise sans qu’on en ait forcément conscience !
La matière première du lerm, ce n’est ni le béton, ni la pierre, ni aucun autre matériau minéral, mais c’est la connaissance que nous en avons. Cette connaissance, à côté de nos précieux cerveaux, est stockée, mise à jour, vérifiée dans l’ensemble de la documentation qui est à notre disposition ou que nous produisons. La fonction du service de documentation est d’irriguer l’ensemble de l’entreprise en information pertinente. Le documentaliste que je suis doit donc bien connaître les besoins de ses  collègues qui, heureusement, adorent venir discuter avec moi, ce qui rend ce travail bien agréable.

Tu entres un peu dans le détail de ton activité ?

Quand j’ai fini ce très utile bavardage, le travail consiste principalement d’un côté à alimenter le laboratoire en normes nécessaires au pilotage des essais, d’un autre côté à fournir aux ingénieurs ou experts les informations scientifiques, techniques ou normatives nécessaires à la conduite de leurs études… mais les demandes qui me sont adressées peuvent aussi concerner des sujets économiques, réglementaires, géographiques et même historiques. C’est un poste très intéressant : je crois qu’il ne se passe pas de jour sans que j’apprenne quelque chose.

Alors tu commences à devenir encyclopédique…

Disons que je crois savoir ce que je n’ai pas oublié !… Partons du postulat que le documentaliste ne sait rien (c’est largement mon cas) au regard des spécialités très pointues de ses collègues usagers de la documentation. En fait, ce sont eux qui apprennent au documentaliste ce dont ils ont besoin. C’est ce dialogue pédagogique initial qui rend fructueux le travail du documentaliste. Ensuite, tous les acquis documentaires, validés en cours de recherche, sont archivés dans ces merveilleuses prothèses de mémoire que sont les bases de données.

Quel est ton parcours pour devenir documentaliste ?

Ta question, pour ce qui me concerne, est bien posée, car il s’agit bien d’un parcours, peut-être un peu atypique dans lequel je vais prendre des raccourcis…

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Comme nul n’est parfait, j’ai d’abord étudié la philosophie. Je n’ai d’ailleurs toujours pas fini… Ensuite, du temps où les écoles normales existaient, j’y ai suivi une formation d’instituteur, passionnante… mais les conditions faites pour l’exercice de ce métier n’ont pas convenu aux idéaux de ma jeunesse… J’ai donc, après cela, exercé de nombreux et très variés petits boulots, comme on dit, souvent pénibles, dont mes études ne m’avaient pas averti qu’ils pouvaient exister. Un long séjour aux Etats-Unis où j’ai enseigné ma langue maternelle, m’a permis de parler  l’anglais et d’oublier le latin et une bonne partie de l’allemand que j’avais appris. En rentrant en France, j’entreprends une formation de bibliothécaire et j’ai exercé ce très beau métier dans des bibliothèques municipales et départementales, tu sais, celles qui desservent les petites communes rurales en bibliobus et où l’on apporte les livres comme le boulanger le pain.

Comment se fait ta rencontre avec le lerm ?

Venant à Arles où je suis ma compagne qui y a trouvé du travail, je me mets en disponibilité de la fonction publique et monte une petite entreprise de services aux bibliothèques : formation, création de catalogues, conseils, assistance à projets, études… C’est alors qu’une connaissance m’annonce qu’on cherche quelqu’un pour un remplacement à la documentation du lerm. J’y vais voir… et j’y suis depuis ! Je souligne que le service documentation existait déjà, créé par Mireille Hornain, avec qui, à son retour de congé, j’ai pris grand plaisir à travailler. Elle a pris, ensuite une autre fonction au sein du lerm.

phil2Ton profil, littéraire… N’a pas été un trop gros handicap pour ton intégration au sein du laboratoire ?

Pour ce qui concerne la documentation proprement dite, les techniques bibliothéconomiques des bibliothécaires et celles des documentalistes sont finalement assez proches.
Pour ce qui est du handicap que tu évoques, il me semble qu’il ne faut pas voir les « littéraires » comme des personnes qui n’ont pas étudié les sciences, mais comme des personnes qui ont étudié d’autres choses qui peuvent être très utiles dans une organisation : les langues, l’économie, la sociologie, la psychologie, l’histoire, la géographie et, parfois, tout cela à la fois… qui lisent vite, beaucoup, qui comprennent à peu près ce qui passe sous leurs yeux et peuvent en rendre compte. Enfin, l’esprit critique, la curiosité, le soin des sources, le dialogue constructif sont des qualités communes aux scientifiques et aux littéraires.
Et puis, ce handicap a été compensé par le magnifique accueil qui m’a été fait au lerm, par la gentillesse de chacun, par le goût du partage des connaissances, par l’intérêt communicatif pour nos sujets… l’impression, vraiment, de débarquer sur un petit campus caché à Arles…

Tu ne nous parles pas de ton travail de rédaction et de communication…

Merci… Je l’oubliais ! Oui, ce travail de soutien à l’écriture des articles, de rédaction de la lettre d’information et de vulgarisation découle de ce poste d’observation central qu’est la documentation et d’un certain goût pour l’écriture, c’est-à-dire de l’articulation et de la formulation des concepts. Ici, mon ignorance est un atout : si je comprends  quelque chose à ce qu’écrivent nos experts, ou s’ils valident ce que j’écris, alors tous nos clients et interlocuteurs, dont les profils et centres d’intérêt sont si variés, ont une chance de le comprendre aussi !

Une vie, après le travail, pour compléter ton portrait ?

Certainement… mais je fais en sorte que ce soit la même vie : je viens tout entier au travail ; on y passe trop de temps pour ne pas y être soi-même. Ensuite, oui… Une famille, dont les enfants sont déjà partis ! Des sports que je pratique encore, même si beaucoup moins intensément, pour être au contact de la nature et dans le monde, l’alpinisme, la spéléologie, l’escalade… Le temps passant, je m’oriente maintenant vers des sports qu’on pratique assis, le vélo de route avec les longues randonnées de plusieurs jours, et la voile.

… j’ajoute la pratique de la musique (baroque pour moi), pour la nourrissante intensité du travail personnel et ce partage d’émotions avec des personnes si différentes que, dans la vie « normale », nous n’aurions jamais rencontrées.

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Comment vois-tu l’évolution de ton poste ?

Pour ce qui me concerne, l’âge de la retraite va sonner… Laisser la documentation en bon état de marche et la transmettre… et peut-être, un projet fou à mettre en route : l’organisation, la description et l’indexation automatique de ce que nous produisons nous-mêmes, car le lerm est sans doute le premier producteur de l’information… dont il a besoin !

Avant de te libérer, une dernière question… : comment expliques-tu cet engouement pour la rédaction de cette lettre consacrée aux bétons récifaux ? Comme si soudain des souvenirs anciens resurgissaient et te rappelaient que tu avais connu de plus près ces éléments… Il se murmure à ce propos dans les couloirs que tu as essuyé un certain nombre de grains et que tu en as hérité un surnom…

J’ignore encore le surnom auquel tu penses. Il n’est peut-être pas venu jusqu’à moi !
Oui, j’ai trouvé très intéressant ce sujet et ai été heureux de lire de jeunes chercheurs qui allient à la scientificité un bel engagement de terrain. Cela fait envie… Je trouve stimulante aussi cette nouvelle frontière du béton qui, en plus des fonctions qu’il remplit déjà bien, doit savoir se rendre disponible à d’inévitables fonctions biologiques et écologiques. Il y a là du travail en perspective pour une coopération encore assez inédite entre ingénierie de génie civil et ingénierie biologique.
Peut-être ai-je aussi été sensible à ce sujet par cette affinité avec l’élément salé que j’ai contracté depuis que je pratique la voile. Il s’agit bien sûr de faire marcher au mieux les bateaux, mais aussi de découvrir tout un univers, la mer, « cette si énorme absence de mots » comme disait un poète. Sans aller non plus la toucher de trop près !… ni les récifs d’ailleurs, artificiels ou non…

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