Pénétration et transport des chlorures au sein du béton
La pénétration des chlorures dans le béton qui est un milieu poreux se fait en présence d’eau. En milieu saturé (béton immergé), les ions chlorures pénètrent par diffusion dans le béton sous l’effet d’un gradient de concentration. Le coefficient de diffusion des ions chlorures est une grandeur essentielle de la durabilité des bétons exposés aux chlorures.
Pour les bétons soumis à des cycles d’humidification-séchage, comme les bétons en zone de marnage ou exposés aux sels de déverglaçage, les chlorures pénètrent par absorption capillaire puis migrent par convection avec la phase liquide. La progression s’effectue ensuite par diffusion dans la zone saturée. Ce transport d’ions est réactif, c’est-à-dire que le système, basé sur l’équilibre chimique de la solution interstitielle avec l’aluminate tricalcique, la portlandite, les sels de Friedel et l’adsorption des ions chlorure sur les feuillets
de C-S-H, est évolutif.

Chlorures libres chlorures liés
Nous l’avons vu ci-dessus et dans Contrôle de la teneur en chlorure les bétons , les chlorures dans le béton proviennent soit des constituants du béton, soit de la contamination par le milieu environnant.
Leur mobilité au sein du matériau est différenciée :

– Une partie des ions chlorure réagit avec les hydrates du ciment et forment des sels insolubles dans le cas général,
ce sont les chlorures liés à la matrice cimentaire. Ces ions liés chimiquement résultent principalement de la formation
des chloroaluminates de calcium hydratés (C₃A.CaCl₂.10H₂O, sel de Friedel) à partir de l’aluminate tricalcique (C₃A.) :

C₃A + CaCl₂ + 10H₂O <-> C₃A.CaCl₂.10H₂O

Un autre mode de fixation des ions chlorures est la fixation physique par adsorption sur les parois des pores de la pâte de ciment.
Les propriétés de diffusion ionique ainsi que l’ensemble des interactions décrites ci-dessus influencent la vitesse de pénétration des ions chlorures dans le béton. C’est la quantification aussi précise que possible de ces paramètres et de ces interactions permettant de prédire la durabilité d’un ouvrage. (voir notre article sur la modélisation de la diffusion des ions chlorures dans le béton).

– Une partie des ions chlorures se trouve sous forme ionique (chlorures libres) dans la solution interstitielle du béton.
– Ils sont extractibles à l’eau et sont, de ce fait, appelés « chlorures solubles dans l’eau ».
– Les chlorures totaux incluent les chlorures libres, ceux fortement adsorbés sur les C-S-H et ceux chimiquement liés  sous les forme de chloroaluminates de calcium.
– Les teneurs en chlorures libres et totaux sont déterminées suivant le mode opératoire recommandé par l’AFPC-AFREM.
– La teneur en chlorures totaux peut aussi être déterminée par la norme NF EN 14629 de juillet 2007

 

Seuil de concentration critique en ions chlorure
La dépassivation des aciers d’armatures s’amorce lorsque les ions chlorures atteignent une concentration critique au niveau du premier lit d’armatures, après avoir traversé le béton d’enrobage. Cette concentration critique est actuellement fixée, par l’observation et par l’expérience, au taux de 0,4% de chlorures par rapport à la masse du ciment. Généralement, on considère que seuls les chlorures libres interviennent dans le processus de dépassivation de l’acier.
Un autre critère est aussi utilisé, celui du rapport des ions Cl^– / OH^– ? 0,6. Ce rapport, en accord avec le seuil précédent de 0,4%, permet de prendre en compte la diminution du pH, par exemple due à la carbonatation. Voir également notre article sur L’attaque de la matrice cimentaire par les chlorures