Les ciments spéciaux faisant l’objet d’une norme : le Ciment prompt naturel (NF P 15-314)

Ciment prompt naturel (NF P 15-314)
La composition minéralogique particulière du ciment prompt naturel lui confère un temps de début de prise très court, suivi d’un durcissement immédiat. Ces propriétés de rapidité sont mises à profit dans des applications telles que les scellements, les réparations, l’étanchéité, le colmatage de voies d’eau, etc… Le ciment prompt naturel est fabriqué à Grenoble depuis 1842 sur les conseils de Louis Vicat. Ce ciment est l’une des innombrables variantes des ciments naturels du 19e siècle connus également sous le nom de ciments romains.

Composition du ciment prompt naturel
Comme le précise la norme NF P15-314, le ciment prompt naturel résulte de la cuisson, à température modérée (de 800 à 1200°C) d’un calcaire argileux de composition régulière, extrait de bancs homogènes, suivie d’un broyage très fin. La marne utilisée associe intimement argiles et calcaire. Aucun correcteur de composition n’est ajouté, ce qui justifie l’appellation de ciment naturel.
La composition chimique du ciment prompt naturel est proche de celle des ciments Portland ; c’est par sa composition minéralogique qu’il en diffère nettement. La cuisson à basse température produit, avec peu de phase fondue, de nombreux minéraux de très petites tailles dont certains, mal cristallisés, sont plus réactifs que dans un clinker de ciment Portland.

La bélite (C2S) y est majoritaire et constitue à elle seule près de la moitié du liant. L’alite (C3S) n’est présente qu’en faible quantité. D’autres phases (périclase, sulfates alcalins, sulfates de calcium et calco-alcalins) sont également présents en faibles quantités, mais jouent un rôle important lors de l’hydratation du liant.


Hydratation
L’hydratation du ciment prompt naturel s’effectue en deux phases. La première phase est très rapide ; il s’agit de l’hydratation des aluminates qui, présents en petite quantité, sont très réactifs (monosulfoaluminate de calcium). Généralement, en 48 heures,  les aluminates sont hydratés ainsi que le silicate tricalcique également présent en petite quantité dans ce ciment. L’hydratation de la bélite (silicate bicalcique), majoritaire, ne commence, elle, qu’au bout de quelques jours.
L’évolution des résistances du ciment prompt naturel dans le temps (montée très rapide de la résistance dès la fin de prise, et progression de la résistance sur plusieurs années) autorise un usage diversifié des mortiers dans les mélanges desquels il intervient.

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Façade d’un immeuble à Grenoble, réalisée avec le ciment prompt naturel. XIXème siècle. Tous droits réservés

Durabilité du ciment prompt naturel et usages
Le recul sur le comportement du ciment prompt naturel que permet l’existence d’ouvrages de plus de 150 ans dans la région grenobloise montre une bonne durabilité des bétons de ciment naturel. Une étude du Cercle des Partenaires du Patrimoine montre une résistance positive de ce mortier aux agressions de la pollution urbaine.
Le mortier de ciment prompt naturel, grâce à sa composition minéralogique et à sa faible porosité résiste bien également aux eaux agressives. D’une part, en effet, le ciment hydraté, pauvre en portlandite offre peu de prise à l’attaque acide. D’autre part, la formation d’éttringite secondaire lors d’une attaque sulfatique est peu importante.
Enfin, l’hydratation lente et continue de la bélite contribue à une perméabilité faible du mortier.
En dehors des applications nécessitant des prises rapides, le ciment naturel prompt est donc indiqué pour les usages en eaux agressives. Il est d’ailleurs inclus dans la norme NF P 15-317 relative aux ciments pour travaux à la mer.

Notons que l’usage de retardateurs de prise permet aujourd’hui le gâchage d’importants volumes de bétons de ciment prompt naturel.

Bibliographie
Norme NF P 15-314 (février 1993) : Liants hydrauliques. Ciment prompt naturel
Guide pratique pour l’emploi des ciments, ATHIL, Eyrolles, 1998
La durabilité des bétons, Bases scientifiques pour la formulation des bétons durables dans leur environnement, sous la dir. de Jean-Pierre Ollivier et Angélique Vichot, Presses de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, 2008.
Microstructure and weathering mechanisms of natural cements used in the 19th century in the French Rhône-Alpes region, in Repairs Mortars for Historic Masonry, RILEM, 2009, pp. 82 – 93. E. Cailleux, E. Marie-Victoire, D. Sommain, E. Brouard