Les BFUP en perspective

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Le pont du Havre, sur la Seine

Les BHP modifient profondément ce que l’on entend d’ordinaire par bétons spéciaux. La haute résistance à la compression n’est pas la seule performance dont sont capables ces matériaux. En effet, leur adjuvantation et leur composition granulaire contribuent à l’amélioration de nombre de leurs caractéristiques, ce qui les rend aptes à de nombreux emplois jusqu’alors catalogués comme spécifiques : imperméabilité aux gaz et aux liquides, compacité, résistance à l’abrasion et aux chocs, aptitude au pompage, qualité de surface pour le parement, …

La famille des bétons à hautes performances
Les BFUP viennent au terme d’une évolution de la conception des bétons qui a commencé dans les années 80 avec les recherches sur les BHP (bétons à hautes performances). Ces bétons sont d’abord remarquables par leur haute résistance à la compression, mais leur intérêt ne réside pas seulement dans cette performance : ce sont également des matériaux très compacts et à la porosité réduite, ce qui les désigne pour la réalisation d’ouvrages durables soumis à des contraintes environnementales sévères. En travaillant sur la réduction des proportions de vides comme paramètres d’évolution de la résistance à la compression, on a du même coup réduit les paramètres de transferts, déterminants pour la durabilité des structures armées.
Les deux évolutions majeures qui ont conduit aux BHP sont la réduction de la quantité d’eau et la répartition granulométrique optimale des composants du béton. Ces évolutions ont été rendues possibles d’une part par la mise au point de superplastifiants qui permettent la réduction du dosage en eau, responsable de la porosité, tout en maintenant une bonne maniabilité, et d’autre part par l’usage d’ultrafines qui complètent le squelette granulaire du béton.

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Influence du dosage d’un réducteur d’eau sur le pourcentage de réduction, d’après Dodson (1990)

L’action des superplastifiants est double : s’opposant à la floculation des grains de ciments dans l’eau, ils accroissent leur réactivité tout en limitant la quantité d’eau de gâchage du fait de l’absence de piégeage de celle-ci dans les flocs de ciment.
A consistance égale, les superplastifiants permettent de réduire de 1/3 le volume d’eau non mobilisé par l’hydratation proprement dite du ciment.
Outre l’optimisation des classes granulaires qui constituent le squelette du béton, l’ajout d’ultrafines vient encore combler les vides de ce squelette et augmenter la compacité de la matrice, tout en améliorant sa rhéologie.
Comme ces ultrafines, souvent des fumées de silice ou du métakaolin, sont à caractère pouzzolanique, elles participent donc également, par leur réactivité avec la chaux libre, au développement de la résistance au jeune âge. Superplastifiants et  additions se relaient donc dans une action conjuguée qui réduit la porosité, améliore la rhéologie et développe la résistance au jeune âge et accroît la résistance aux agressions chimiques, donc la durabilité.

Les BFUP
Les BFUP s’inscrivent dans cette évolution du béton ouverte par les BHP, mais ils s’en distinguent par leur exceptionnelle résistance à la compression et par la recherche d’un fonctionnement basé sur la résistance propre à la traction fournie par les fibres. Celles-ci peuvent s’avérer suffisantes dans certains cas (fonctionnement en plaque, effort tranchant et flexion transversale d’une poutre sur un ouvrage d’art, par exemple). Sinon la précontrainte par pré-tension ou post-tension permet aux poutres en BFUP de franchir de grandes portées. Les fibres servent alors à la diffusion de la précontrainte.

Comme les BHP, les BFUP font appel à des superplastifiants et à des compositions granulaires spécifiques, mais la présence de fibres métalliques leur fournit des qualités spécifiques : elles confèrent au matériau sa ductilité et sa non fragilité, ainsi que sa résistance propre à la traction qui permet d’envisager de s’affranchir d’armatures passives, ce qui offre des possibilités nouvelles pour la conception des ouvrages.

Caractéristiques des BFUP
– grande ouvrabilité
– résistance à la compression exceptionnelle (200 MPa)
– résistance à la traction (40 MPa)
– haute résistance à court terme
– ductilité importante
– résistance élevée à la micro-fissuration
– capacité de cicatrisation
– retrait et fluage faibles
– dureté de surface et bonne résistance aux chocs et à l’abrasion
– leur compacité et leur résistance à la microfissuration leur garantissent une bonne durabilité dans les environnements les plus sévères.

Histoire de la recherche sur les BHP et BFUP en France
1984 : premier pont en BHP  dans la région de Melun, sous le contrôle du LCPC.
1984 – 1988 : nombreux autres ouvrages : viaduc de Sylans (1986), Grande Arche de la Défense (1986-1987), pont de l’Ile de ré (1987), Ponts de Pertuizet et de Joigny (1988).
Projet national « voies nouvelles du matériau béton » de 1986 à 1992, dont est issu le livre Les bétons à hautes performances. Caractérisation, durabilité, applications ; sous le dir de Y. Malier. Presses des Ponts et Chaussées, 1992.
En parallèle : groupe AFREM « Connaissance et utilisation des bétons à hautes performances » qui entraîne la publication du nouveau règlement BAEL-BPEL étendu aux bétons de 80 MPa.
Projet national  « BHP 2000 » de 1995 à 2000, dont est issu l’ouvrage Synthèse des travaux du projet national BHP 200, sur les bétons à hautes performances, Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 2005.
Projet national BEFIM (1995-2000), ce projet fait suite aux premières avancées sur les bétons de fibres inaugurées dans le cadre du projet
« Voies nouvelles du matériau béton ». Il donnera lieu à la publication de Le développement industriel des bétons de fibres métalliques, conclusions et recommandations ; sous la dir. De P. Rossi. Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 2002.

Dès 1998, dans la cadre de ce projet, paraissait Les bétons de fibres métalliques, de P. Rossi. Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. L’auteur, dans l’avant propos affirmait : « Les BFM, en tant que matériaux composites à part entière, se développeront fortement au 21e siècle ou disparaîtront. 

Le groupe BEFUP de l’AFGC se met en place dès 1998 et se fixe comme objectif  la production de recommandations qui paraîtront en janvier 2002 : Bétons fibrés à ultra-hautes performances, recommandations provisoires, SETRA / AFGC, 2002. Ces recommandations ne vont pas tarder à être mises à jour.
1996 : EDF lance un appel d’offres en septembre 1996 pour la rénovation des corps d’échange des quatre tranches de Cattenom sur la base d’une structure en BFUP. Ce chantier ainsi que celui de l’aéroréfrigérant de Civaux serviront de laboratoire pour l’élaboration des recommandations de l’AFGC de 2002.

Enfin, sur l’état de l’art des BFUP, on peut utilement se reporter aux Actes du Colloque de l’AFGC, BEFUP 2009, qui s’est tenu à Marseille en novembre 2009