Entretien avec Ellis Gartner, Directeur scientifique chimie au Centre de recherche Lafarge

ellis_gartnerLe groupe Lafarge se donne-t-il des perspectives de recherches en ce qui concerne les ciments spéciaux ? 

Ellis Gartner : A vrai dire, compte tenu du volume de production annuelle de ciment du groupe, production qui dépasse les 200 millions  de tonnes, depuis un certain temps déjà, nous nous sommes séparés de la production des ciments spéciaux, qui, par définition, représentent de petits volumes de production. Notre activité « sur mesure » concerne plutôt les bétons en fonction de demandes spécifiques de nos clients.
Ceci  ne signifie pas que nous nous désintéressons de l’évolution de la technologie du ciment. Bien au contraire. Nous savons parfaitement que l’industrie cimentière contribue de façon importante aux émissions de gaz  à effet de serre et est grande consommatrice de ressource énergétique fossile. Notre position de leader mondial nous donne donc une responsabilité particulière dans le domaine de la recherche de solutions durables de production des matériaux cimentaires. Pour que notre activité soit pérenne, il est essentiel que l’empreinte environnementale de nos produits soit aussi réduite que possible. C’est dans cette perspective et dans le cadre d’une demande mondiale en ciment croissante, que nous travaillons à la mise au point d’un clinker alternatif.

Pouvez-vous nous détailler cette recherche ?
Le projet Eather, puisque c’est ainsi qu’il se nomme, vise à produire des ciments qui offrent les mêmes performances que le ciment Portland, notamment dans diverses applications pour bétons, mais dont l’empreinte environnementale soit réduite.

Lors de la production du ciment, 60% des émissions de CO2 proviennent de la décarbonatation à haute température du calcaire et le reste (40%) provient du processus de cuisson lui-même. Les pistes pour réduire de 25 à 30%  les émissions concernent donc la réduction de la quantité de calcaire nécessaire à la production du clinker et une moindre température de cuisson.

Pour que les gains soient significatifs sur une vaste échelle de production, il convient que les clinkers Eather, puissent être produits à partir de matières premières abondantes (calcaire, argile, bauxite) et, sous réserve de quelques modifications, dans les installations industrielles déjà existantes.

Où en êtes-vous, de la réalisation de ce projet ?
Après des mises au point de production à Cracovie en Pologne, une production industrielle a été expérimentée sur un site Lafarge  en France où, pendant deux semaines, plusieurs milliers de tonnes de clinker Eather ont été produites. D’autres expérimentations  de production se tiendront sur des sites étrangers à Lafarge.
Il convient également d’expérimenter les performances des ciments Eather dans différentes applications de mortiers et de bétons.
L’aboutissement de ce projet prendra plusieurs années. Pour l’instant nous sommes dans le cadre d’un contrat de trois ans financé par l’Union européenne par le programme Life pour la protection de l’environnement.

Le projet de mettre en débat ces ciments alternatifs au sein des comités de normalisation, quand ce sera le moment, fait bien sûr partie de notre démarche.


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