L’auscultation du béton précontraint par gammagraphie : Entretien avec Pierre Roënnelle, Chef d’unité au CEREMA, unité « Pathologie des Structures et Diagnostic », à Bron (69)

roennelle2Nous nous intéressons, dans cette lettre d’information, à l’analyse de l’état de la précontrainte. Pouvez-vous, Monsieur Roënelle, nous dire ce qu’apporte la gammagraphie dans ce domaine ?

La gammagraphie est une technique d’auscultation qui sert principalement à visualiser le niveau de remplissage en coulis des gaines de précontrainte et à apprécier la qualité de  ce coulis, en fonction de son opacité.
Les radiogrammes obtenus permettent également d’apprécier l’aspect  et la position  des fils et des torons dans leur gaine qui sont autant d’indices d’une possible perte de tension. La visualisation directe d’une rupture est extrêmement rare et elle  se manifeste plutôt par le fait que le câble festonne, c’est-à-dire que son trajet n’est pas parallèle aux autres.
Le troisième type d’information fournie par la gammagraphie concerne la gaine elle-même : ses déformations ou ses éventuels accidents.
L’auscultation permet aussi la visualisation du positionnement du ferraillage passif. Elle permet enfin une appréciation de l’aspect du béton environnant en en révélant les hétérogénéités et les fissures. Le positionnement des armatures actives ou passives peut être acquis plus largement et plus facilement par la technique du radar géophysique.

Quel est le principe technique de la gammagraphie ?

On émet un rayonnement gamma qui traverse une masse dense pour venir impressionner un récepteur. L’image obtenue traduit les obstacles rencontrés au sein de la masse traversée par le rayonnement.  Ce système d’émetteur-récepteur implique d’avoir accès aux deux faces de l’ouvrage.
Nous intervenons avec deux types d’émetteurs : un émetteur d’iridium 192, qui est portable et qui permet de traverser des épaisseurs de 25 à 30 cm de béton et un émetteur de cobalt 60, qui permet de traverser des épaisseurs de 55 à 60 cm ; il pèse 350 kg et est donc alors installé dans une remorque.

Auparavant l’image reçue devait être développée sur un film argentique. Aujourd’hui, elle est reçue sur un écran photostimulable à grains de phosphore qui sont excités par l’exposition aux rayons ionisants. Le niveau d’excitation des grains du support exposé est lu par un scanner laser qui restitue une image numérique pouvant ensuite être améliorée si nécessaire par un logiciel de traitement de l’image.

gammagraphie

Image obtenue par gammagraphie

 Les tirs s’effectuent sur des fenêtres d’environ 30 cm sur 40 cm. Les zones d’exposition sont donc choisies avant l’intervention sur plans et en fonction de nos objectifs. Le caractère sélectif des tirs implique une approche statistique des recherches d’information.

Cette technique est utilisée dans le génie civil depuis 1967-1968 ; la principale évolution concerne le passage au numérique que je viens de vous décrire.

Comment mettez vous en œuvre cette auscultation ?

En général, c’est une équipe de trois personnes qui met en œuvre l’auscultation. La pratique s’effectue dans le respect de la norme NF A09-202 : « Principes généraux de l’examen radiographique, à l’aide de rayons X et gamma, des matériaux béton, béton armé et béton précontraint » et est dominée par les conditions de radioprotection du personnel et des personnes environnantes. Pendant les expositions toute personne doit se tenir à distance ou être protégé par un obstacle physique.

Sur quels types d’ouvrages intervenez-vous ?

Nous intervenons sur tous types d’ouvrages de génie civil, sur des ponts bien sûr, sur des dalles aussi, malgré des problèmes d’épaisseur, des bâtiments, des châteaux d’eau et même, récemment,  un bateau-porte du port de Marseille sur lequel  le lerm a d’ailleurs lui aussi travaillé.