Entretien avec Didier Horcholle, Délégué Régional PACA du groupement des entreprises MH et Directeur de la Société Méditerranéenne de Bâtiment et de Rénovation (Groupe Quelin)
LERM
Sur un chantier de restauration où il est nécessaire de remplacer des pierres d’un monument, comment se partagent les missions de l’architecte et du maçon ?
Didier Horcholle
Chaque chantier est original et les rôles respectifs ne sont donc pas partagés une fois pour toutes. En règle générale l’entreprise de restauration recherche et propose des solutions ; dans tous les cas, la décision sur la solution retenue revient à l’architecte.
Pour revenir à votre question, disons que s’il est nécessaire de changer des pierres, notre préférence aussi bien que celle des architectes vont évidemment à la pierre d’origine.
S’il existe, en amont du chantier, une étude préalable, l’entreprise et l’architecte l’examinent et la valident. Si aucune étude préalable n’a été faite, avant de s’inquiéter de s’approvisionner en pierre d’origine, il faut évidemment connaître aussi précisément que possible la ou les pierres en œuvre. Il revient alors souvent à l’entreprise de commander une étude d’identification.
Une fois la pierre connue, la question est simple : peut-on s’approvisionner en pierre d’origine à partir de la carrière d’origine ? Si oui, pas de problème…
LERM
Sinon ?
Didier Horcholle
Sinon, il faut être motivé !… Tout dépend d’abord de la quantité de pierre dont on a besoin. Il m’est arrivé de travailler, sur la cathédrale de Chartres, par exemple, sur un chantier qui a nécessité, compte tenu des volumes, la réouverture ponctuelle de la carrière d’origine, celle de Berchères.
Si la carrière est fermée et n’est pas réexploitable, il faut alors se tourner vers une pierre aussi équivalente que possible, en termes de caractéristiques physiques, mais aussi d’esthétique. Je considère toujours cette solution comme un pis-aller.
Si le besoin en pierre porte sur de petits volumes, je vous l’ai dit, il faut être motivé et se débrouiller. Le maitre mot serait alors celui de récupération.
LERM
Cela signifie…
Didier Horcholle
Cela signifie des solutions à chaque fois différentes… Pour la restauration des balustres de l’opéra de Monaco, par exemple, le marbre provenait de carrières françaises fermées depuis une quarantaine d’années… dont je connaissais des stocks en Italie. Nous avons donc, en quelque sorte, réimporté une pierre locale d’origine.
Ailleurs, en Alsace, je cherchais une pierre dont la carrière avait totalement disparu. C’est grâce à une carte géologique que j’ai retrouvé, à une grande distance du site, un affleurement du même lit de pierre sur lequel j’ai prélevé ce dont j’avais besoin. Dernier exemple, pour la restauration d’un jardin à Villeneuve-Loubet, je cherchais une pierre de type molasse. C’est en passant sur l’autoroute que j’avise une sorte de banc qui me semble devoir correspondre. Je sors, reviens en arrière, m’engage sur le chemin que borde ce banc, et arrive… dans une décharge qui se révèle être la carrière remblayée. J’y récupère les blocs dont j’ai besoin.
En règle générale, pour les petits volumes, si la carrière existe encore et est localisable, on peut toujours en tirer à peu près ce dont on a besoin.
Inutile de vous préciser que nous gardons précieusement notre stock de tuf marin de Monaco sur la carrière de la Turbie que nous louons, non pas pour l’exploiter, le POS nous l’interdit, mais pour y implanter notre atelier.
LERM
Quelle réflexion vous inspire la difficulté d’approvisionnement des chantiers de restauration en pierres d’origine ?
Didier Horcholle
Il me semble que compte tenu de l’importance et de la valeur du patrimoine bâti d’un côté et l’extrême lourdeur qu’implique l’exploitation d’une carrière de l’autre, la DRAC qui est l’Etat en région devrait pouvoir permettre des exploitations ponctuelles de carrières historiques pour le prélèvement de petites quantités de pierre nécessaire à la restauration de ce patrimoine.