Les enjeux de la modélisation
La modélisation d’un phénomène, et notamment celle de la diffusion des ions chlorures dans le béton, vise en général deux objectifs.
La modélisation aide l’ingénieur à formuler des matériaux dont les performances permettent d’atteindre au niveau de durabilité souhaité de l’ouvrage.
Mais elle permet également de mieux comprendre le phénomène même qu’elle modélise. Cet outil au service de l’ingénieur est d’autant plus nuancé que la compréhension des phénomènes est fine. Or la modélisation elle-même permet d’approfondir cette compréhension, ce que la seule expérience ne permet pas toujours.
Dans les cas, en effet, où les phénomènes résultent de l’interaction de plusieurs paramètres, associant, de plus, des mécanismes physiques et des mécanismes chimiques, l’interprétation des données d’expériences est parfois difficile. L’usage de modèles, en permettant de faire varier les paramètres, autorise, par exemple le découplage de phénomènes liés et de caractériser précisément l’action de chaque paramètre ou de chaque mécanisme impliqué.
Complexité croissante de la modélisation de la diffusion des ions chlorure dans le béton
La durabilité d’un béton est liée au temps qu’il faut aux chlorures pour atteindre les armatures à un niveau de concentration appelé seuil de concentration critique (chlorures libres = 0,4% de la masse de ciment), à partir duquel s’amorce la corrosion des aciers. Les modèles prédictifs permettent donc de calculer un profil en chlorures pour une durée d’exposition donnée. Certains modèles prédictifs sont basés sur la loi de Fick selon laquelle, dans un système, le flux de diffusion est proportionnel au gradient de concentration. Cette approche est classique.
Elle ne prend en compte que des ions chlorure dans une solution interstitielle considérée comme idéale. Pour élargir le champ de validité de ce type de modèle et décrire plus précisément la diffusion d’une espèce d’ions qui tienne compte des interactions électrostatiques, l’ensemble des espèces ioniques présentes doit être pris en considération. Cette approche utilise l’équation de Nernst-Planck.
Ces modèles, cependant ne tiennent pas compte de l’interaction ions/matrice cimentaire.
Aujourd’hui, les recherches portent sur la possibilité de prendre en compte la précipitation d’une nouvelle phase minérale non présente initialement dans la matrice cimentaire (sel de Friedel), de mesurer l’influence des réactions chimiques à l’œuvre sur la diffusion des ions par la transformation de la porosité du matériau ou de ses propriétés de transport.
Pour ses propres besoins concernant de grands ouvrages de génie civil en site maritime, le LERM a développé un modèle prédictif multi-espèces .
Sources :
Modèle du LERM de transport d’ions. Application de la pénétration des chlorures et des sulfates dans le béton : in Séminaire scientifique et technique sur les Indicateurs de durabilité. Paris 19 mais 2006. Rafaï, Nourredine; Houdusse, Olivier, 2006.
Prediction of long term durability of Vasco Da Gama Bridge in Lisbon (SP 192-63): in 5fth CANMET/ACI International conference on durability of Concrete, Barcelona, 2000. Houdusse, Olivier ; Hornain, Hugues ; Martinet, Gilles. 2000.
Modélisations physico-chimiques de la pénétration des ions chlorures (thèse), Nguyen, Thai Quang. Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC); Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 2007.
Approche probabiliste de la durabilité des bétons en environnement marin, Deby, Fabrice. Université Paul Sabatier. Toulouse 3, 2008.
Modélisation des transferts ioniques dans les milieux poreux saturés : application à la pénétration des chlorures à travers les matériaux cimentaires (thèse), Khitab, Anwar. Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse, 2005.