La zone de marnage est le lieu de toutes les agressions du béton qui est exposé là où s’exercent ensemble les phénomènes énumérés précédemment…
En nous intéressant maintenant à la dégradation des bétons dans cette zone particulièrement exposée, gardons présent à l’esprit que l’altération mécanique du béton par le houle et le courant (chocs, abrasion) favorise puis accélère les processus d’altération chimique.
L’attaque chimique par l’eau de mer
L’eau de mer contient plusieurs espèces dissoutes dont la concentration est élevée. Ces espèces sont plus ou moins agressives vis-à-vis de la matrice cimentaire. L’attaque de cette dernière par l’eau de mer résulte de plusieurs mécanismes physico-chimiques plus ou moins concomitants et interdépendants.
L’attaque de la matrice cimentaire par les chlorures
La pénétration des chlorures dans le béton qui est un milieu poreux se fait en présence d’eau. Voir notre article sur les chlorures dans le béton.
Chlorure de sodium
L’action du chlorure de sodium sur la matrice cimentaire est double :
1- Consommation des ions calcium de la portlandite et des C-S-H, par formation de chlorure de calcium soluble :
Ca(OH)2 + 2NaCl <-> CaCl2 + 2NaOH
2- Formation de monochloroaluminate de calcium (C3A.CaCl2.10H2O), par réaction des chlorures de calcium avec l’aluminate tricalcique C3A et les aluminates hydratés :
CA3 + CaCl2 + 10H2O <-> C3A.CaCl2.10H2O
Ces monochloroaluminates de calcium, communément appelés chlorures liés, consomment des chlorures et par conséquent en réduisent le taux d’ions libres en solution (ou chlorures libres), ce qui retarde finalement le risque de corrosion des aciers ! Mais cette protection peut être déstabilisée par une action sulfatique associée qui, réagissant avec le monochloroaluminate de calcium, peut produire secondairement de l’ettringite, susceptible de produire une expansion.
Dans les zones d’aspersion et de marnage, à côté de l’action chimique sur la matrice cimentaire, les cycles de dissolution-cristallisation du chlorure de sodium, accentués par les effets cycliques d’hydratation puis de séchage, peuvent à leur tour engendrer des pressions de cristallisation – retrait, qui provoquent un écaillage de surface. Sans compter un phénomène de lixiviation de la chaux, qui accroît encore la porosité du béton…
Chlorure de magnésium
Ce sel exerce également une action dissolvante sur la chaux. Mais le gel alors en solution conduit à la formation de brucite (Mg(OH)2) :
Ca(OH)2 + MgCl2 <-> CaCl2 + Mg(OH)2
… brucite, qui, une fois précipitée en surface du béton, peut ralentir la pénétration des ions agressifs à l’intérieur. A l’image du chlorure de sodium, la réaction du chlorure de magnésium avec les aluminates provoque la formation de monochloroaluminate de calcium. Enfin, il est bon de signaler un phénomène fréquent de substitution ionique pouvant accompagner ce type de réactions en milieu marin, à savoir la substitution du calcium des C-S-H par le magnésium, donnant naissance à des M-S-H moins compacts et résistants…
L’attaque de la matrice cimentaire par les sulfates
Sulfate de magnésium
Ce sel, très agressif, associe différentes réactions : Réactions de dissolution Ca++ de l’hydroxyde de calcium et des C-S-H et d’échange avec les ions Mg++ de l’eau de mer. Ces réactions conduisent à la précipitation de brucite Mg(OH)2, à la transformation progressive des C-S-H en composés C-M-S-H et M-S-H sans propriétés liantes, ainsi qu’à la formation de gypse :
Ca(OH)2 + MgSO4 + 2H2O <-> CaSO4.2H2O + Mg(OH)2
La réaction du sulfate avec les aluminates du liant conduit à la précipitation d’ettringite pouvant être expansive :
C3A + 3CaSO4.2H2O + 26H2O <-> C3A.3CaSO4.32H2O
La lixiviation des C-S-H et l’expansion de l’ettringite provoquent, l’une un accroissement de la porosité, l’autre une fissuration qui majorent les processus d’altération par l’accélération des transferts d’ions au sein de la matrice.
Action du dioxyde de carbone
Présent dans l’eau de mer sous forme de bicarbonate de potassium, il dissout l’hydroxyde de calcium et les C-S-H et produit ainsi des carbonates de calcium (CaCO3) qui précipitent sous la forme de calcite, minéral beaucoup moins soluble qui peut ainsi atténuer les processus d’altération chimique :
Ca(OH)2 + CO2 + H2O <-> CaCO3 + 2H2O
La thaumasite (CaSO4.CaSiO3.CaCO3.15H2O), potentiellement expansive, peut également se former dans les bétons en cours de dégradation par l’eau de mer, à partir des sulfates de l’eau de mer, de la silice libérée suite à la dégradation des C-S-H et du CO2 ou à partir de l’ettringite à laquelle elle peut se substituer…
Corrosion des armatures
Ces attaques chimiques se conjuguent avec la corrosion des armatures favorisée par la migration des ions chlorures et le dépassement d’une teneur critique au niveau de l’acier, l’eau évidemment et la teneur en oxygène de l’eau de surface. Cette corrosion, outre la dégradation des aciers, génère des produits expansifs qui font fissurer le béton d’enrobage et accélèrent encore le processus général d’altération.
… qui a dit que la mer était un endroit paisible ?