Les ciments naturels du XIXè siècle

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Carrière de Rachais avec son funiculaire. Tous droits réservés.

Le ciment naturel prompt de l’Isère
Vicat, dont les premiers travaux sur l’hydraulicité datent de 1817, entra, après ses premiers succès, au laboratoire d’analyse minéralogique de Grenoble, au sein duquel il fit un nombre considérable d’analyses gratuites pour des carriers, des chaufourniers, etc.
Ces analyses permirent l’ouverture de nombreuses carrières à ciment qui firent de l’Isère, au milieu du 19e siècle,  un centre important de production de ciment naturel.

Le banc marneux que Vicat expertisa en 1842 à la Porte de France donna naissance à un ciment prompt, connu sous le nom de ciment de la Porte de France, banc que l’on exploite encore aujourd’hui pour la production du ciment naturel prompt (voir notre article).
Les conditions d’exploitation particulières de ce banc favorisèrent grandement cette industrie : la marne présentait des qualités telles qu’il n’y avait pas à faire de mélange artificiel de calcaire et d’argile. L’accessibilité des carrières et la disposition du banc en permettaient une extraction aisée. La cuisson modérée, pouvait s’effectuer dans les fours droits traditionnels des chaufourniers.

Les industriels isèrois du ciment étaient issus d’entreprises du bâtiment ou étaient eux-mêmes souvent entrepreneurs du bâtiment ou architectes. Ils promurent efficacement leurs produits et y réussirent remarquablement dans le domaine de l’architecture.
Grâce à la pierre factice (matériau moulé à base de ciment, de sable et de galets roulés qui utilise au mieux les qualités de rapidité de prise du ciment prompt), le ciment naturel commence sa carrière d’élément architectonique. Ce ciment apte au moulage est également largement utilisé pour la préfabrication d’éléments décoratifs qui seront utilisés dans le Dauphiné.

La localisation des carrières ne permet pas une extension de la production à l’échelle du territoire national. Le coût du transport ne le rendant pas compétitif explique que le ciment naturel prompt de l’Isère n’ait pas concurrencé d’autres ciments naturels, comme ceux de Pouilly ou de Vassy.

 

L’emploi du ciment romain ou ciment naturel dans la restauration
Le ciment romain est en fait l’appellation commerciale faite par Parker, à la fin du 18e siècle, d’un ciment naturel. Le terme s’est généralisé ensuite pour désigner les nombreux ciments naturels dont la production se multiplia et se répandit avec les découvertes de Vicat sur l’hydraulicité en 1817. Jusqu’à ce qu’il soit détrôné par le ciment Portland dans les années 1870, le ciment naturel joua un rôle important partout en Europe dans la construction et le génie civil. Une des ses applications particulières et étonnante est son usage dans la restauration des cathédrales gothiques.

A cet égard, la Cathédrale de Bourges est un précieux témoin. De 1824 à 1860, en effet, des travaux de restauration de la cathédrale furent menés en employant du ciment naturel en provenance de Vassy. Il servit à des travaux d’étanchéité des maçonneries, de rejointoiement des pierres et de réparation des sculptures. Son faible coût, sa résistance, sa capacité à être modelé, sa couleur enfin, le désignèrent pour cette entreprise.

Une étude récente, à laquelle contribua le LERM, de ce ciment naturel de restauration en place depuis plus de 150 ans conclut que si ses propriétés de capillarité et de porosité peuvent contribuer à la migration des sels, ses mêmes propriétés autorisent cependant l’évaporation de l’eau et la cristallisation des sels à l’interface pierre ciment. Cette propriété, associée à une résistance à long terme à la compression, démontre sa durabilité et la convenance de ce ciment à la restauration des monuments en pierres.

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Ci-dessus, l’Eglise Saint-Bruno à Voiron (Isère), construction de 1864 à 1883.
Vicat a soutenu la restauration à l’identique en ciment naturel, le Prompt Vicat, des moulures des corniches, piliers et chapiteaux de l’intérieur de l’église Saint-Bruno. Le ciment prompt naturel est à 95% l’unique liant de construction de l’édifice (source Vicat.fr)

 


Bibliographie

– C. Avenier, Les ciments prompts naturels : la fortune de l’architecture grenobloise au XIXe siècle, in Monumental 1, 2006.
– E. Candlot, Ciments et chaux hydrauliques. Fabrication, propriétés, emplois. Ed. Baudry ey Compagnie, 1891.
– R. Blanchard. L’industrie des chaux et ciments dans le Sud-Est de la France. In: Revue de géographie alpine. 1928, Tome 16, n° 2. pp. 255-376.
– Natural cement and monumental restoration in Materials and Structures (volume 42, n° 6 Juillet 2009), Gosselin, Christophe, Martinet, Gilles ; Royer, Amandine.; Vergès-Belmin, Véronique – pp. 749-763.
– Site internet de Vicat : www.vicat.fr