La seconde vie problématique de nos déchets : le cas des mâchefers d’incinération de déchets non dangereux

Entretien avec Stéphane Bicocchi,  Président de la Société setec novae

 

stephane-bicocchi-setec-novBonjour monsieur Bicocchi, pouvez-vous nous présenter rapidement setec novae ?
Notre société a rejoint le groupe SETEC en 1997 sous le nom « Cadet International », devenu le 30 avril 2012 « setec novae ». Nous  proposons de l’ingénierie sur l’ensemble de la thématique des déchets, de l’environnement et de l’énergie. Nous accompagnons les maîtres d’ouvrages dans leurs démarches de projets en mettant en oeuvre des solutions adaptées de collecte, de traitement et de valorisation (matière, organique ou thermique) des déchets ménagers, mais aussi de déchets industriels non dangereux et de boues de stations d’épuration.

Cet accompagnement se développe de façon transversale tant sur les problématiques techniques, réglementaires, économiques que sociétales. Enfin nous intervenons sur un terrain où nous raisonnons autant que possible en termes de coût global. Setec novae emploie aujourd’hui 38 collaborateurs répartis sur 5 sites à Paris, Lille, Lyon, Vitrolles et Toulouse.

 

Votre expérience dans le domaine des déchets ménagers vous confronte à la question des mâchefers d’incinération.
Pouvez-vous nous
parler de ces mâchefers, connus jusqu’à présent sous le nom de MIOM ?

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Mâchefers d’incinération de déchets non dangereux

Les mâchefers d’incinération de déchets non dangereux (MIOM) sont les résidus solides de la combustion de déchets non dangereux, c’est-à-dire globalement d’ordures ménagères.
Ces mâchefers, constitués essentiellement de matière minérale, contiennent également de l’eau ainsi que des métaux ferreux et non ferreux (de 6 à 10%).

 

Et quel volume cela représente-t-il annuellement en France ?
Le volume annuel, en France, est de l’ordre de 3 millions de tonnes. Ceci équivaut à 20 à 25% du tonnage incinéré.

 

Pouvez-vous nous éclairer sur le devenir de ces mâchefers ?
Pour faire simple, la part valorisable de ces mâchefers est destinée à un usage en sous-couche en technique routière, la part non valorisable est destinée à l’enfouissement en Installation de Stockage de Déchets non dangereux (ISDND).

 

Et comment élabore-t-on les mâchefers valorisables ?
En sortie de four d’incinération, les mâchefers font l’objet d’une opération mécanique de tri pour récupérer les métaux ferreux et non ferreux, qui seront valorisés. Les imbrûlés de grande taille sont également éliminés lors de cette phase. Ensuite, les mâchefers triés sont soumis à une maturation qui favorise l’oxydation de leurs constituants et donc leur stabilisation. Cette phase de maturation ne peut excéder un an.

 

Mais alors, qu’est-ce qui fait la différence entre les mâchefers valorisables et non valorisables ?
Ce qui les différencie, c’est leur adéquation aux spécifications strictes de l’arrêté technique du 18 novembre 2011 en matière de polluants, arrêté qui est entré en application en juillet 2012 : 15 substances sont contrôlées sur la base de tests de lixiviation (contre 7 pour la Circulaire de 1994) et le contenu total est recherché pour 6 substances ou groupe de substances : carbone organique total, BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes) , PCB, hydrocarbures, hydrocarbures aromatiques polycycliques, dioxines et furannes. Cet arrêté a en outre abaissé sensiblement la grande majorité des seuils.

 

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Sous couche en technique routière

Qu’est-ce qui, selon vous, fait encore obstacle à la valorisation de ces mâchefers ?
Plusieurs facteurs s’associent pour freiner cette valorisation. Il y a d’abord le facteur réglementaire lui-même : censé rendre possible la valorisation des mâchefers, il la limite d’emblée ; l’arrêté du 18 novembre 2011 dont je viens de parler, vise en effet exclusivement à définir les conditions d’utilisation en technique routière.

Il y a ensuite le contexte de concurrence économique des matériaux : il reste, dans la situation actuelle, moins cher de proposer des granulats naturels. Ces propositions n’incluent évidemment pas le double coût environnemental que représente d’un côté l’atteinte à la ressource naturelle et de l’autre côté le coût de l’enfouissement des mâchefers non valorisés, qui s’élève à environ 90 euros la tonne ; valorisée le coût d’enlèvement d’une tonne de mâchefer coûte aux alentours de 10 euros. Il y a donc un rapport de 1 à 9.

Le troisième facteur est d’ordre culturel, il tient à la suspicion qui continue de peser sur ces mâchefers.

 

Dans le contexte que vous décrivez, quels seraient les leviers pour un développement de la valorisation des mâchefers ?
Je crois qu’il faudrait une préconisation claire sur l’utilisation de ces mâchefers, qui s’accompagnerait de prescriptions techniques. Le critère économique, concernant les granulats, devrait être élargi et prendre en compte le coût global du matériau aussi bien que son coût environnemental. Dans ce coût devrait être intégrée l’économie que représente l’alternative à l’enfouissement.

Dans cette perspective la mise en place d’une taxe de prélèvement des ressources naturelles permettrait sans doute de contribuer aussi à équilibrer la concurrence entre matériaux naturels et matériaux de substitution.

Enfin, la réflexion sur l’usage de ces mâchefers dans d’autres filières que la technique routière permettrait certainement d’en développer la valorisation, qui reste pour l’ensemble de la société un enjeu de taille. Cette réflexion est menée, de concert avec le LERM d’ailleurs, dans le cadre d’une proposition d’étude pour l’association RECORD (Réseau coopératif de recherche sur les déchets).

Retrouvez le site de setec novae  : http://www.setec.fr/societe/setec_novae.html