Comment avez-vous été amenés à travailler sur les mortiers de moulage ?
Le domaine du moulage est un domaine plus vaste qu’il n’y parait au premier abord. Les applications sont très variées : elles vont du moulage industriel, à la décoration, en passant par la copie patrimoniale et la restauration. Chaque secteur a ses demandes et ses contraintes propres.
Notre activité sur la pierre et le patrimoine au LERM, et notre implication dans un groupe de travail du « Cercle des Partenaires du Patrimoine », il y a un peu plus de 10 ans nous ont amenés à recenser l’ensemble des problèmes que soulèvent l’obtention d’un moulage de qualité. J’en énumère quelques-uns : contraintes dimensionnelles, micro-faïençage et bullage à l’interface du moule et du mortier, remplissage optimum du moule, temps de prise pour une cadence acceptable de production en série, résistance des pièces au démoulage, durabilité des pièces, agencement des parties et qualité des joints des pièces en plusieurs parties, efflorescences… Face à cette problématique d’ensemble, nous avons constaté qu’aucun produit du commerce, à cette époque, n’était adapté aux contraintes multiples du moulage. Nous avons donc imaginé de travailler à un mortier qui satisfasse à l’ensemble de ces conditions.
Dans cette aventure, quelle méthode avez-vous employée et quelle qualité avez-vous d’abord visée ?
La méthode a consisté à synthétiser en un cahier des charges l’ensemble des exigences. En résumé, nous cherchions un liant sans retrait, autoplaçant, avec des charges minérales fines, à prise rapide et à performances à court terme élevées. Certaines qualités sont parfois difficilement compatibles entre elles comme la charge minérale fine et l’absence de retrait, par exemple. Nous n’avons pas d’abord visé telle ou telle qualité, car nous savions, par expérience, que le fait de solutionner un aspect du problème pouvait en déstabiliser un autre. Il valait donc mieux prendre à bras le corps l’ensemble des contraintes.
Il était plus simple d’entrée d’emblée dans la complexité ?
En quelque sorte, oui… Pour entrer dans la complexité des qualités du mortier souhaité, nous nous sommes situés dans un horizon large de compétences à partir duquel faire confluer différents éléments de réponse.
Nous sommes partis de la pratique ancestrale du moulage au plâtre. Les qualités de ce matériau sont connues : finesse du rendu de surface, rapidité de la prise, matériau économique, écologique et sans danger d’utilisation. Son problème principal est sa sensibilité à l’eau et sa durabilité à l’extérieur.
Autre point cardinal de notre horizon : la chaux. Nous connaissions bien ce liant de mortier et notamment de mortiers anciens sinon antiques, liant durable donc… A la même époque, nous travaillions sur les BAP et BHP, dont la mise au point a été rendue possible par l’adjuvantation.
Nous avons donc sollicité cette adjuvantation sur les questions de rhéologie de notre mortier. Enfin, comme l’une des destinations majeure du mortier était la copie de la pierre, pour des questions d’aspect et de texture, nos avons mis à contribution nos compétence pétrographiques pour définir une composition minéralogique et granulométrique adaptée du mortier.
La traduction quantitative de nos besoins s’exprimait ainsi : un retrait proche de zéro, un temps de prise d’une heure, une granulométrie comprise entre 1 et 1,6 mm, une résistance à la compression aux très jeunes âges comprise entre 7 et 10 MPa (ce qui par expérience, autorise un démoulage sûr), un développement dans le temps de la résistance jusqu’à 30 MPa, qui correspond à la résistance moyenne de la pierre calcaire.
Votre option a-t-elle été la bonne ?
Nous avons travaillé sur différentes formulations, à partir des présupposés que je viens de décrire et, dès les premiers essais, les caractéristiques du mortier se sont montrées intéressantes. Nous avons ensuite fait varier un certain nombre de paramètres pour optimiser la formulation.
La filiale du LERM, Arkheïa, que nous avons créée pour ce secteur d’activité des mortiers esthétiques, commercialise aujourd’hui un mortier à prise rapide pour pièces d’intérieur ou d’extérieur protégé. Il reproduit des pierres dont la caractéristique va de tendre à ferme.
Pour l’extérieur proprement dit nous proposons un BTHP qui reproduit des pierres qui vont du marbre aux pierres dures (dures à froides). En plus de la formulation spécifique, nous soignons particulièrement la nature et la qualité des matières premières.
Enfin nous travaillons à une évolution permanente de la formule : nous suivons de près l’évolution des adjuvants et des fillers calcaires et nous mettons à contribution tout ce qui peut améliorer la fluidité du mortier et la qualité de l’épiderme d’une part, et permettre d’empêcher la ségrégation d’autre part.
Avez-vous déposé un brevet ?
Oui, nous l’avons fait en 2004 pour 12 pays européens, pour les USA et le Canada… C’est la raison pour laquelle, je ne peux évidemment aborder en détail la formulation du mortier.
Nous n’avons pas abordé la question de la couleur, qui est sans doute fondamentale dans une problématique de reproduction ?
Les mortiers que nous proposons sont une base blanche. Nous avons aujourd’hui un catalogue d’une cinquantaine de couleurs que nous obtenons par un dosage précis de pigments. Si la couleur souhaitée pour la reproduction n’est pas encore au catalogue, nous menons une étude colorimétrique et définissons un dosage en pigments original.
Pour plus d’informations : http://www.arkheia.fr/