Contrôle non-destructif des ouvrages et des bâtiments

Entretien avec Jean-Luc Garciaz, expert au LERM

garciazJean-Luc, le radar est aujourd’hui utilisé couramment en contrôle d’ouvrages de génie civil, peux-tu revenir pour nous, sur la mise au point de cette technique ?
Le radar, à la suite de différentes recherches et du dépôt  de plusieurs brevets, a été mis au point entre les années 20 et le début de la Seconde Guerre Mondiale. Leur premier usage était de suivre l’écho d’objets métalliques à longues distances, les bateaux et les avions, notamment.
L’US Army a adapté ce système pour détecter des objets enfouis, notamment des carcasses d’avions dans la glace. A la suite de cela, des applications géologiques ont été développées au service de l’investigation des subsurfaces.
En 1981, la SNCF est l’une des toutes premières sociétés à utiliser le procédé pour détecter des cavités à l’extrados des maçonneries en tunnel. L’application aux bâtiments se développe, elle, à partir des années 1990.
Pour ce qui me concerne, j’ai commencé à utiliser le radar pour détecter des canalisations, des cavités dans les parois des tunnels, et des galeries d’égouts…  ou des éléments métalliques dans les monuments historiques. Le matériel est alors très volumineux et lourd.
Au LERM, pour permettre les investigations fiables et précises du béton armé, avec un matériel très maniable dans tous les cas de figure possibles, nous avons travaillé dès les années 2000 à concevoir et à fabriquer des unités de mesure radar ainsi que des antennes très hautes fréquences adaptées à la reconnaissance des ferraillages, notamment grâce à une miniaturisation poussée du matériel. Ce travail d’adaptation de l’outil à des conditions spéciales d’utilisation n’est jamais vraiment fini : il y a toujours une application nouvelle qui demande une certaine part de bricolage !

Tu nous a parlé jusque-là de la prise de mesure ; il y a également l’interprétation de ces mesures…
En effet… au début, l’interprétation se faisait uniquement à partir de la lecture d’enregistrements graphiques. Ensuite sont arrivés des logiciels de traitement et de représentation des données qui marchent bien, mais nous avons du en créer  de nouveaux, plus particulièrement adaptés et optimisés pour nos applications.
Dans tous les cas, la part laissée à l’interprétation « visuelle » est importante. C’est la raison pour laquelle une formation de qualité et une bonne expérience sont nécessaires dans ce domaine…

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Une jeune ingénieure du lerm, à l’époque en formation au radar géophysique dans le cadre d’un diagnostic

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La mesure est une chose, son décodage en est clairement une autre pour un diagnostic fiable.


Tu peux aborder la question de la restitution cartographique ?

La cartographie des résultats est également un outil qui existe dans le commerce… Nous en avons fait un usage courant, mais là aussi, nous avons développé un logiciel plus polyvalent pour qu’il nous fournisse des cartes pertinentes et lisibles par nos clients.

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Cartographie de relevés au radar géophysique (non-destructif), développée au Lerm. Tous droits réservés – Lerm 2013.


auscultation-radar-tunnelPeux-tu résumer l’usage qui est aujourd’hui fait du radar en génie civil ?

Rappelons d’abord qu’il s’agit d’une méthode non destructive d’investigation basée sur la mesure d’échos d’ondes électromagnétiques. Les échos sont provoqués par les discontinuités rencontrées. Il s’agit d’une méthode à haut rendement qui permet de couvrir rapidement, précisément et continûment  des linéaires et des surfaces importantes. La profondeur d’investigation s’échelonne entre le centimètre et plusieurs mètres en fonction du matériau.
Cette technique permet, dans les limites de la méthode,  la détection d’anomalies dans les matériaux de construction et le contrôle des structures : ferraillage, géométrie, présence de vide, hétérogénéités, anomalies diverses.
Indirectement il permet également de repérer les zones  à faible résistivité électrique, a priori liées à l’humidité et à la présence de sels.

« …nous n’avons rien inventé, mais nous avons fait un usage systématique du radar en réussissant à l’adapter à nos contraintes, et nous avons accumulé, au bout du compte, une expérience de 30 ans… »

 

Il peut donc contribuer au diagnostic de la corrosion des aciers ?
En signalant ces diminutions anormales de résistivité, il signale en effet un paramètre important susceptible de favoriser l’amorce et le développement de la corrosion.
Mais le diagnostic de corrosion et de sa vitesse demandent avant tout de traiter simultanément un ensemble de données que fournissent les méthodes électrochimiques complémentaires : potentiel d’électrodes, courant de corrosion (vitesse de corrosion), résistivité, en plus des analyses physico-chimiques du béton.
Dans ce domaine, sur des techniques déjà bien connues, nous avons essentiellement amélioré la facilité et le rendement des méthodes d’acquisition des données … De même pour le radar, au LERM, nous n’avons rien inventé, mais nous en avons fait un usage systématique en réussissant  à l’adapter à nos contraintes, et nous avons accumulé, au bout du compte,  une expérience de 30 ans…

 

Ceux qui souhaitent en savoir d’avantage sur les contrôles non destructif ou sur la technique du radar, peuvent se reporter à notre article diffusé sur le site de notre partenaire « Le Moniteur » : http://www.lemoniteur.fr/189-qualite-securite/article/solutions-techniques/771183-controle-non-destructif-des-ouvrages-ou-comment-obtenir-une-echographie-des-structures

 

 

Propos recueillis par Philippe Souchu, documentaliste au Centre de documentation du Lerm. Juin 2013.