Jean-Pierre, nous fêtons, dans cette lettre d’information, les 25 ans du LERM… Il se trouve que tu as le difficile privilège d’être au LERM depuis le plus longtemps d’entre nous ! Quand y es-tu entré ?
En fait, d’une certaine façon, je ne suis jamais entré au LERM puisque, avec des collègues et amis, je l’ai fondé. Je pense ici à Hugues Hornain, Bernard Thuret, Eddie Zwanzieck et Philippe Gégout… Mon activité professionnelle commence donc en 1981 au CERILH (Centre d’Etudes et de Recherches sur les Liants Hydrauliques) où, dans la section béton que dirige Jean-Pierre Bombled, je travaille à des questions de rhéologie.
C’est là que je m’initie aux techniques de mesures physiques et que j’approfondis ma connaissance des ciments. Parallèlement, je suis le cours de matériaux minéraux que dispense Monsieur Champion au CNAM.
Qu’est ce qui t’a amené à t’intéresser aux liants hydrauliques ?
Je ne suis pas né dans un chou, comme touts les petits garçons, mais dans le ciment : mon père travaillait chez Poliet et Chausson et finit sa carrière en dirigeant l’usine de Couvrot, et mon grand père travaillait aux Ciments Français où il était électricien. J’avais fait un DUT de chimie… Entrer au CERILH était donc très logique pour moi.
… Revenons à ton parcours au CERILH.
Je passe ensuite à la section microstructure que dirige Micheline Regourd et y travaille sous la direction de Hugues Hornain. Je m’adonne alors à la microscopie optique ainsi qu’à la microscopie électronique.
En 1987, le CERILH, amputé de son labo de chimie, d’essais physiques et de microstructure devient l’ATHIL. C’est alors qu’avec les personnes que je viens de nommer nous créons le LERM, convaincus que l’existence d’un laboratoire d’expertise indépendant reste une nécessité et un besoin.
Comment c’est, le LERM des premiers jours ?
C’est une aventure ! C’est pas mal d’incertitudes et beaucoup de travail. Du point de vue matériel tout s’enclenche par un gros contrat que nous passe le CEA sur des problématiques de confinement de matériaux radioactifs. Les 4/5 de notre temps passent dans ce contrat.
Il faut imaginer que nous sommes cinq… Nous faisons donc tout. Mes passages successifs en essais physique et en microstructure se révèlent alors être un précieux atout.
Pour les locaux, nous installons les bureaux et le labo microstructure à l’étage d’un local que nous trouvons à Bagnolet. Avec le développement des essais physiques, nous nous installons également au rez-de -chaussée.
Indépendamment des contrats sur lesquels nous travaillons pour nous rémunérer et tâcher d’investir, nous développons également des sujets thématiques.
C’est dans cette période qu’on découvre, en France l’alcali-réaction… C’est l’un de nos grands sujets, dans la mesure où nous héritons du travail qu’avait impulsé Micheline Regourd, et des connaissances du CERILH en la matière. Notre compétence, relayée aussi par un réseau de soutien amical, nous permet non seulement de travailler sur des affaires, mais encore d’obtenir une précieuse reconnaissance intellectuelle.
Comment se définit, ensuite, ton parcours au sein du LERM ?
Les commandes affluant, le personnel s’étoffe petit à petit. Il faut former les techniciens, encadrer les stagiaires, dont les premiers arrivent en 1991 et qui seront si importants pour les futurs recrutements du LERM.
Je m’occupe de tout ceci tout en mettant également en place le service qualité en vue d’obtenir une accréditation COFRAC.
Nous sortons petit à petit de la soupe primitive où chacun est réellement polyvalent… Les spécialités s’organisent progressivement en laboratoires : essais physiques et microstructure, puis chimie, lorsque le LERM reprendra le LERIE qui était dirigé par Bernard Courtault et où travaillaient des chimistes de l’ex CERILH.
A ce moment le laboratoire est totalement reconstitué et dans la progressive mise en place de l’encadrement, c’est moi qui suis amené à le diriger.
Comment vois-tu cette fonction ?
Mon souci principal, mais c’est celui de chacun au LERM, c’est de produire des études de qualité dans des délais respectés. La première chose à faire est donc de maintenir les acquis du laboratoire mais… sans s’endormir dessus ! Il convient donc de soutenir et de développer le niveau de formation, de maintenir et de renouveler le matériel et les équipements, de garantir et d’améliorer les procédures.
Il est également très important de maintenir des liens aussi étroits que possible entre le labo et l’ingénierie ; il est nécessaire que ces acteurs du LERM se comprennent bien aussi bien techniquement que scientifiquement. Le L du LERM, qui signifie Laboratoire, est l’assise de l’activité d’ingénierie et d’expertise de l’entreprise.
Si tu jetais un regard rétrospectif sur ton activité qu’en dirais-tu ?
Au-delà de mes contributions techniques et scientifiques, il me semble que ma fonction a été de rassurer, d’aider chacun à prendre confiance dans ses connaissance et ses capacités, et à soutenir, tout au long de l’évolution du LERM, la nécessité d’un laboratoire intelligent et performant.
Et comment vois-tu l’avenir de ton activité ?
Tu sais, le temps approche du passage du flambeau. Il faut préparer ce passage. C’est un patrimoine matériel et intellectuel qu’il faut transmettre, mais qui n’a rien de passé : un labo prêt pour l’avenir, bien positionné, reconnu, apte à mener les recherches appliqués dont nos clients ont besoin.
Propos recueillis par Philippe Souchu, documentaliste au Centre de documentation du Lerm. Juin 2013.