Les déchets, nous l’avons vu précédemment, ont un statut juridique. Toute opération de recyclage ou de valorisation qui vise à réintroduire les déchets dans le circuit des produits doit également les amener à sortir de ce statut de déchet. La sortie de ce statut est aujourd’hui encadrée réglementairement. Cependant, la valorisation matière de certains déchets reste entravée par le fait que textes réglementaires, normes et guides d’application n’accompagnent pas toujours jusqu’au bout ce processus de valorisation.
Tous les domaines du BTP ne sont pas au même stade d’avancement. La technique routière a fait de nettes avancées ces deux dernières années avec la sortie du guide méthodologique d’acceptabilité des matériaux alternatifs en technique routière en mars 2011, suivi tout récemment par, les guides d’application Mâchefers d’incinération de déchets non dangereux (MIDND) et Laitiers sidérurgiques (guides publiés par le SETRA en octobre 2012). Ils seront suivis prochainement d’un guide Béton recyclé.
Ces guides ont le mérite de fournir un cadre méthodologique pour l’évaluation de l’acceptabilité environnementale des matériaux alternatifs (qui bien souvent sont originellement des déchets), les normes d’essais auxquelles se référer, et les seuils qui permettent de statuer sur le caractère acceptable du futur matériau dans un contexte donné.
Un tel dispositif n’existe pas encore pour d’autres filières de valorisation du BTP mais le contexte évolue sous l’impulsion de l’Union européenne. La directive européenne cadre « déchets » 2008/98/CE et sa transposition dans le droit français ont ouvert la voie à la sortie du statut de déchet.
L’article 6 de son chapitre 1 précise que certains déchets cessent d’être des déchets au sens de l’article 3 quand ils ont subi une opération de recyclage ou de valorisation suivant certaines conditions dont la dernière, point d, précise : « l’utilisation de la substance ou de l’objet n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine ». Le premier paragraphe de l’article 6 énonce également : « Les critères comprennent des valeurs limites pour les polluants, si nécessaire, et tiennent compte de tout effet environnemental préjudiciable éventuel de la substance ou de l’objet ».
Il est prévu, par le même article, que ces critères soient définis au niveau de l’Union européenne. Un règlement est alors pris pour une catégorie de déchets, comme c’est déjà le cas pour des déchets métalliques et bientôt pour les papiers, le verre et le compost. A défaut, les Etats membres peuvent y pourvoir au cas par cas.
En France, c’est le décret 2012-602 du 30 avril 2012 entré en vigueur le 1er octobre 2012 qui définit la procédure de la sortie du statut de déchet :
« Un déchet cesse d’être un déchet après avoir été traité dans une installation visée à l’article L. 214-1 soumise à autorisation ou à déclaration ou dans une installation visée à l’article L. 511-1 soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation, s’il répond à des critères remplissant l’ensemble des conditions suivantes :
– la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ;
– il existe une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché ;
– la substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ;
– son utilisation n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine.
Ces critères sont fixés par l’autorité administrative compétente. Ils comprennent le cas échéant des teneurs limites en substances polluantes et sont fixés en prenant en compte les effets nocifs des substances ou de l’objet sur l’environnement.»
Le cadre existe donc, mais les critères restent encore à définir.
Lors de sa valorisation, le déchet devenant un produit est régi à la fois par les textes relatifs aux déchets mais également par ceux relatifs aux produits. Dans le cas d’une valorisation dans la filière produit de construction (granulats, ciments, additions, bétons par exemple…), le Règlement (UE) n° 305/2011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction abrogeant la directive européenne produits de construction D89/106/CEE est donc également à prendre en compte.
L’exigence 3 (reprise de la directive « produits de construction ») concernant l’hygiène, la santé et l’environnement énonce qu’un ouvrage doit être conçu de manière à ne pas constituer de menace pour l’hygiène et la santé des occupants et des voisins du fait, notamment, de la pollution et de la contamination de l’eau ou du sol. Le règlement précise également, au paragraphe 55, que :
« L’exigence fondamentale (7) applicable aux ouvrages de construction, qui porte sur l’utilisation durable des ressources naturelles devrait notamment tenir compte de la recyclabilité des ouvrages de construction, de leurs matériaux et de leurs parties après démolition, de la durabilité des ouvrages de construction ainsi que de l’utilisation, dans les ouvrages de construction, de matières premières primaires et secondaires respectueuses de l’environnement. ». La mise en application de ce règlement nécessite un cadre normatif spécifique confié au Comité Européen de Normalisation (CEN) au travers de mandats délivrés par la Commission pour le développement de normes harmonisées permettant de traduire techniquement ces exigences.
En France, c’est le groupe de travail Substances Dangereuses Réglementées de l’AFNOR qui suit ces travaux. Les aspects réglementaires et notamment l’élaboration des seuils sont, du ressort du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. L’ensemble de ces travaux est en cours avec des stades d’avancement différents (certaines normes pourraient voir le jour en 2013). Le fait que la normalisation des essais et la définition des seuils permettant de valider l’exigence d’innocuité environnementale ne soient pas encore abouties reste encore un obstacle à une démarche de valorisation pour nombre de matières.
Les textes réglementaires
Le formulaire du dossier de demande de sortie du statut de déchet (Cerfa 14831) incluant l’ensemble des pièces à joindre vient d’être mis en ligne avec sa notice explicative par le Ministère chargé de l’environnement (Arrêté du 3 octobre 2012).
Règlement (UE) n ° 305/2011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction. Abrogeant la Directive 89/106/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres concernant les produits de construction.
Décret n° 92-647 modifié du 8 juillet 1992, modifié par le décret n°95-1051 du 20 septembre 1995 concernant l’aptitude à l’usage des produits de construction
Directive 93/68/CEE du Conseil du 22 juillet 1993 modifiant les directives 87/404/CEE (récipients à pression simple), 88/378/CEE (sécurité des jouets), 89/106/CEE (produits de la construction), 89/336/CEE (compatibilité électromagnétique).
Décret n° 2003-947 du 3 octobre 2003 modifiant le décret n°92-647 du 8 juillet 1992 concernant l’aptitude à l’usage des produits de construction
Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives… traduite en droit français par l’Ordonnance N° 2010-1579 du 17 décembre 2010, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des déchets.
Décret n° 2012-602 du 30 avril 2012 relatif à la procédure de sortie du statut de déchet
Arrêté du 3 octobre 2012 relatif au contenu du dossier de demande de sortie du statut de déchet
Code de l’Environnement, article L. 541-4-3 qui traduit en droit français l’article 6 de la Directive 2008/98/CE.