Durabilité et recyclabilité du béton ou le cycle bouclé de la vie du béton

Nous avons consacré de nombreux articles à la durabilité… Aussi durable que devienne le matériau, l’existence des ouvrages ou édifices qu’il constitue est régulièrement remise en cause, par les révisions qu’impose la restructuration permanente de l’urbanisme. Pour le béton, il doit donc y avoir une vie après la durabilité. Les évolutions conjointes des connaissances scientifiques, des moyens technologiques, des conceptions durables et de la réglementation ouvrent au béton la possibilité d’entrer, dans un avenir proche dans l’économie dite circulaire.

 

valorisation-matiere-acvEnjeux et perspectives du recyclage du béton
Le béton est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde.
On en produit un peu plus de 20 milliards de tonnes chaque année.
Si son coût financier est bas, son empreinte environnementale est conséquente.
La fabrication du ciment, en effet, représente 5 à  6% de la totalité des émissions de carbone d’origine anthropique dans l’atmosphère. Ainsi, la production d’une tonne de clinker, qui est la matière première du ciment, génère en moyenne une tonne de CO2 : 55% de ce CO2 est produit par la décarbonatation du calcaire, 35% par l’usage de combustibles de cuisson, 10% par l’usage d’électricité.

Enfin, les granulats constitutifs du béton, sont produits soit à partir de dépôts alluvionnaires, soit à partir de roches naturelles concassées. En France, on en consomme 431 millions de tonnes par an, soit 7 tonnes par habitant. Le recyclage du béton est donc un enjeu majeur tant pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre que pour la préservation des ressources naturelles en granulats.

 

 

Le béton déconstruit : une ressource abondante qui s’ignore encore largement
Les cimentiers se sont engagés dans la voie de la réduction d’émission du CO2 dans l’atmosphère (voir notre entretien avec Paul Acker). Une voie complémentaire au potentiel très important est celle du recyclage de ce matériau, d’autant plus abondant que, en France, les restructurations urbaines conduisent à la déconstruction du parc immobilier des années 70 constitué de nombreux  bâtiments et ouvrages en béton.
En 2008, l’ADEME estimait que la production des déchets inertes du bâtiment s’élevait à 27,7 millions de tonnes dont 14% de bétons et 17.7% de déchets en mélange contenant également du béton [Commissariat Général au Développement durable, Chiffres & statistiques, n°231, Juillet 2011].

 

De la démolition à la déconstructiondeconstruction-lerm
La valorisation des bétons est facilitée par l’émergence, dans les années 2000, du concept de déconstruction sélective qui préconise la mise en place du tri dès le chantier de déconstruction, voir à ce sujet notre entretien avec Benjamin Trinel

Cette pratique est encouragée par l’évolution réglementaire : depuis fin 2011, en effet, le diagnostic déchets avant déconstruction est devenu obligatoire pour les bâtiments d’une surface hors œuvre brute supérieure à 1000 m² ou ayant accueillis certaines activités spécifiques [décret du 31 mai 2011 et l’Arrêté du 19 décembre 2011 relatifs au diagnostic portant sur la gestion des déchets issus de la démolition]. Cette règlementation va contribuer à faire évoluer les pratiques et devrait conduire à améliorer le taux de valorisation des déchets de démolition.
On observe déjà que lorsque le béton est trié directement sur le chantier son taux de valorisation est de 77,7% contre seulement 12 % pour les déchets en mélange [Commissariat Général au Développement durable, Chiffres & statistiques, n°164, Octobre 2010].
Les bétons provenant de démolition et déconstruction, lorsqu’ils sont triés, sont considérés comme inertes à l’exclusion de ceux provenant de sites contaminés  [Arrêté du 28 octobre 2010]. Comme ils ne sont réutilisables qu’à cette condition, cette étape du tri est essentielle : elle permet la séparation du béton et du plâtre ce qui limite l’apport en sulfates.

 

Des granulats recyclés aux performances encore insuffisantesgranulats-beton-deconstruction
Depuis la fin des années 90, de nombreux travaux portent sur l’amélioration des performances de ces bétons de granulats de bétons recyclés. Mais les techniques actuelles de concassage, peu sélectives, génèrent des granulats composites formés à la fois du granulat naturel d’origine et d’une gangue de mortier.
Leurs propriétés dépendent de la nature des bétons déconstruits, de la qualité du tri et des techniques de traitement utilisées et leur introduction dans la formulation de nouveaux bétons fait apparaitre des problématiques particulières comme notamment une demande en eau élevée ou des résistances mécaniques limitées.

En France, les granulats issus de bétons concassés sont donc majoritairement employés en infrastructure routière : remblais, couches de forme, chaussées réservoir, couches d’assises de chaussée. A la fin des années 70, des chantiers expérimentaux réutilisant des granulats de bétons dans la fabrication de béton de chaussées routières et aéroportuaires ont été réalisés en région Ile-de-France mais ces pratiques se sont peu développées. La normalisation actuelle prévoit néanmoins leur utilisation dans la formulation de nouveaux bétons (NF EN 12620) et différentes expériences se développent dans d’autres pays européens.

 

Des projets convergents d’amélioration
Le Projet National RECYBETON qui vient de débuter, vise à faire évoluer la qualité des granulats recyclés en apportant des réponses aux questions qui subsistent. Le projet s’intéresse également au recyclage des matériaux hydrauliques issus de la déconstruction des bétons comme matière première dans la production de liants hydrauliques (clinker).

Parallèlement, d’autres travaux de recherche se concentrent sur les techniques de traitement avec  pour objectif de séparer les granulats naturels de leur gangue de mortier. C’est le cas du projet ANR COFRAGE. Ce projet s’intéresse aux technologies innovantes de fragmentation du béton, comme la fragilisation par chauffage micro-ondes et l’endommagement par voie électro-hydraulique.
Ces techniques permettraient d’obtenir le granulat naturel d’un côté et le mortier de l’autre probablement sous forme de fines.
Le granulat se recyclerait ainsi très facilement dans un nouveau béton et les fines de mortiers pourraient trouver des voies de valorisation dans la production de ciment. Le recyclage du béton serait alors complet, et le cycle de vie du béton bouclé.

 

Retour à l’amont des produits de construction et des projets d’ouvrages d’artouvrage-art-lerm-2012
Le développement devant être aujourd’hui durable,  on s’intéresse désormais aux impacts environnementaux de  matériaux de construction au sens large et donc par les produits en béton au cours de leur cycle de vie.
L’analyse de cycle de vie (à laquelle nous avons consacré une précédente Lettre d’information) est une méthode globale et multi-critères qui permet d’évaluer les flux de matières et d’énergies et les impacts environnementaux d’un produit pour chaque étape du cycle de vie (production, mise en œuvre, vie en œuvre et fin de vie).
En France, la norme NF P01-010 sélectionne dix indicateurs environnementaux pour les produits de construction et définit le format et le contenu des FDES (Fiches de Déclaration Environnemental et Sanitaire). La réalisation de ce type d’analyse est de plus en plus fréquente, elles permettent d’identifier les possibilités d’amélioration des performances environnementales des produits.

Début 2011, la base INIES recensait 31 FDES de produits béton (produits préfabriqués et bétons prêt à l’emploi). Le Syndicat National du Béton Prêt à l’Emploi met également à la disposition de ces adhérents un outil de calcul baptisé BETie qui permet de réaliser un bilan environnemental pour leur réalisation en BPE et ainsi de créer des FDES sur mesure pour chacun de leur projet.

En indiquant au paragraphe 56 que : « Aux fins de l’évaluation de l’utilisation durable des ressources et de l’impact des ouvrages de construction sur l’environnement, il convient d’utiliser, lorsqu’elles sont disponibles, des déclarations environnementales de produits ».
Le Règlement n° 305/2011 du Parlement européen appuie cette pratique émergeante.

Concernant les ouvrages d’art, l’utilisation de l’ACV pour l’évaluation des impacts environnementaux, commence à se pratiquer mais de nombreuses données d’entrée ne sont pas encore disponibles. C’est dans ce contexte que l’AFGC a créé le groupe de travail DIOGEN avec l’objectif d’aboutir à la création d’une base de données spécifique aux ouvrages d’art librement accessible par la profession. Ce groupe travaille d’une part au recensement des données existantes et à leur évaluation vis-à-vis d’un usage en génie civil et d’autre part à l’enrichissement de ces données. Voir notre entretien sur ce sujet