Bref rappel du mécanisme d’altération des pierres par les sels
Les sels solubles sont les agents de dégradation de la pierre les plus actifs, utilisant l’eau comme vecteur de migration et de transformation : sa circulation au sein des matériaux poreux permet les mécanismes de dissolution-précipitation et de cristallisation de ces sels. Leur origine est vaste, depuis les eaux souterraines, les matériaux eux-mêmes, la pluie et la pollution atmosphérique, l’air marin… Ils voyagent en solution dans les matériaux vers les zones d’évaporation de l’eau où ils précipitent et finissent par s’accumuler.
Cathédrale de La Major à Marseille
Leur cristallisation provoque d’importantes altérations des pierres telles que le colmatage jusqu’à éclatement des pores, des concentrations cristallines dans les fissures jusqu’à leur l’accentuation de leur ouverture. La multiplication et la mise en réseau des microfissures de surface conduit au phénomène de desquamation. Avec le temps, ces altérations se généralisent, s’accélèrent, finissant par créer un mécanisme de fatigue du matériau et de désagrégation sableuse progressive (ou alvéolisation). Enfin, la disparition de la couche protectrice de calcin qui s’en suit rend la pierre plus vulnérable à d’autres agressions comme l’érosion mécanique, le vent et le gel…
Altération de surface d’un décor sculpté
Techniques de dessalement
Le dessalement de la pierre est une opération longue et délicate, qui avant d’être mise en œuvre doit être précédée de la mise hors d’eau de l’édifice pour y stopper les mouvements d’eau (infiltration par les toitures, remontées capillaires à partir du sol) et d’une étude d’identification des sels et de leur comportement. C’est ainsi, par exemple que le lerm a procédé à un suivi climatique du cloître Saint Trophime à Arles.
Brossage de surface
Le premier acte du dessalement consiste généralement à purger les surfaces et les joints des efflorescences salines au moyen d’un brossage mécanique, brossage qui ne doit pas mettre en péril l’épiderme du matériau qui a pu être fragilisé.
Bain
Le dessalement proprement dire consiste à extraire le sel du matériau par une migration provoquée. Dans le cas de pièces transportables (statues, éléments de maçonneries déposés), celles-ci peuvent être placées dans des bains d’eau déminéralisée. Il peut s’agir de bains statiques ou de bains dynamiques, dont l’eau est alors constamment renouvelée. Le principe mis en oeuvre est celui de la dissolution des sels solubles suivie de la diffusion des ions provoquée par la différence de concentration en sels entre le matériau et l’eau.
Compresses
Une pâte absorbante est appliquée à la surface du matériau et expose les sels à une sursaturation en eau qui provoque leur migration vers la pâte qui les piège : l’évaporation de l’eau de la pâte provoque la cristallisation des sels au sein de la compresse. Cette pâte est composée de fibres ou particules minérales ou végétales : en général, cellulose, pulpe de papier, argiles…
La composition de cette pâte et la nature des sels influent sur la dynamique du transfert
Cette méthode par compresse présente le grand avantage de pouvoir être appliquée in situ, mais la profondeur du front de dessalement est faible (de l’ordre de quelques centimètres), au regard de l’épaisseur d’un mur de maçonnerie.
Cette technique des compresses fait toujours l’objet d’études d’amélioration comme en témoigne l’entretien que nous avons pu avoir avec Véronique Vergès-Belmin du LRMH, il y a quelques temps.