En France, avec un peu plus de 19000 kilomètres d’un littoral construit d’installations portuaires, de digues et de bâtiments, la question de la durabilité du béton dans cet environnement maritime est un enjeu important.
Le béton étant un système chimique sensible (porosité et phénomènes de transport) au milieu dans lequel il s’insère, ce système est instable : cela revient à dire que l’environnement d’un béton influe directement sur sa durabilité.
Le milieu maritime, du fait de la composition chimique de l’eau de mer, est généralement considéré comme agressif pour le béton. L’intensité de cette agressivité dépend elle-même de la situation de l’ouvrage ou d’une partie de l’ouvrage par rapport à la mer.
Les mers et les océans étant généralement sujets à marée, on appelle marnage la différence de hauteur d’eau mesurée entre les niveaux d’une pleine mer et d’une basse mer consécutives. La zone comprise entre ces niveaux est donc appelée zone de marnage ou zone intertidale.
Marnage dans un port Normand
L’observation du béton à la mer a permis d’identifier cinq zones dans lesquelles le béton est exposé à des niveaux et à des mécanismes d’agression différents, mais souvent conjugués :
la zone d’immersion,
la zone de marnage,
la zone d’aspersion
la zone aérienne.
La figure suivante synthétise les agressions auxquelles est soumis le béton en fonction de son environnement marin :
Zone d’agression d’un béton à la mer
d’après Metha et Hokusaï
Les agressions chimiques
De manière générale, l’agression marine sur le béton, parce qu’elle est le fait de multiples facteurs, est complexe à décrire : les réactions chimiques au sein de la matrice cimentaire y sont diverses, parfois contraires, initiées par les nombreux ions dissous dans l’eau de mer (chlorures, sulfates et carbonates pour les principaux).
Les principaux mécanismes sont les suivants :
– dissolution et lixiviation du calcium des composés calciques du béton Ca(OH)2 et C-S-H. Ces réactions provoquent un accroissement de la porosité du béton ;
– précipitation de produits pouvant être expansifs (ettringite), de composés insolubles plus ou moins protecteurs (CaCO3, Mg(OH)2) ;
– échange de bases Ca++ ↔ Mg++ avec formation de brucite Mg(OH)2 insoluble, et transformation des C-S-H initiaux en C-M-S-H plus ou moins riches en magnésium
Les agressions physiques
Les agressions physiques et mécaniques sur le béton se conjuguent :
– l’action mécanique de la houle et des courants s’associe à l’érosion par les sables en suspension
– les cycles d’humidification-séchage, favorisés par le vent, accélèrent le processus de transferts des chlorures
– enfin, pour certaines zone géographiques, le béton est soumis à des cycles de gel dégel
L’altération mécanique de la matrice cimentaire (porosité et fissuration) permet une accélération des transports d’ions et aggrave les processus chimiques d’altération.
Enfin, la corrosion des armatures en acier est favorisée par la teneur en chlorures de l’eau de mer et sa richesse en oxygène dissous, due au brassage de surface. Le résultat de cette corrosion est, outre la dissolution du fer, la formation de produits expansifs (oxydes de fer et hydroxydes), dont les effets viendront accentuer la dégradation du béton.
En somme, la zone de marnage est l’horizon dans lequel le béton sera le plus vulnérable, en raison de la superposition de l’ensemble des phénomènes énumérés ci-dessus.
Béton dégradé en zone de marnage (© Hervé Barreda, CEREMA)
C’est à la dégradation des bétons dans cette zone particulièrement délétère que nous allons maintenant nous intéresser.