Autour de l’éco-conception : entretien avec Daniel Fauré d’Envirobat

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Daniel Fauré est enseignant et consultant, Vice-Président de l’Association Envirobat et du PRIDES Bâtiments Durables en Méditerranée, co-auteur de l’ouvrage « Bâtir éthique et responsable » aux Editions du Moniteur.

LERM
Qu’est ce qui vous a amené à travailler dans ce domaine de l’éco-conception ?
Daniel Fauré
J’ai suivi une formation initiale d’ingénieur thermicien et je me suis spécialisé dans le solaire. J’ai donc commencé à travailler dans une société de capteurs qui, compte tenu des aléas de la politique environnementale en France, a fait faillite. Méditant cet échec, j’ai ensuite monté mon propre bureau d’études avec l’idée de ne pas m’en tenir au solaire, mais de penser la question énergétique des bâtiments dans son ensemble. Ce positionnement était le bon puisque ce bureau d’études emploie aujourd’hui plus d’une trentaine de personnes. Dans le souci de penser toujours plus globalement les projets, je suis passé de la conception énergétique à la conception durable du bâtiment.

LERM
Comment définiriez-vous l’éco-conception ?

Daniel Fauré
Le rôle du concepteur est d’être en phase avec la demande de la société. Cette demande a pu être sociale, culturelle, économique… Sans nier les précédents types de demande et, sans doute, en leur ouvrant de nouvelles perspectives, cette demande est aujourd’hui environnementale. Il ne s’agit pas d’un effet de mode, mais d’une demande forte et profonde qui est portée aujourd’hui par tous.
L’éco-conception vise à répondre à cette demande ; elle ne se différencie par rien de très spécifique de la conception habituelle. Elle travaille sur des bâtiments plus efficaces et plus confortables, mais avec moins de matériaux, moins d’énergie, moins de nuisances. Ce qui distingue réellement l’éco-conception, c’est qu’elle prend en compte la totalité de la durée de vie du bâtiment, de sa conception à sa fabrication, en passant par ses usages jusqu’à sa déconstruction dans la perspective d’un coût global durable. Elle demande donc d’intégrer un projet dans une vision aussi large que possible.

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Source Envirobat

LERM
Que l’éco-conception réponde à une demande de la société c’est un fait, mais encore faut-il que les maîtres d’ouvrages souhaitent bâtir durable…

Daniel Fauré
C’est vrai, il s’agit là d’un maillon essentiel qui, en France, il faut le reconnaître, est en retard.

LERM
Qu’est ce qui, selon vous, motive les maîtres d’ouvrages pour la construction durable ?

Daniel Fauré

Nous sommes dans un pays fortement hiérarchisé où l’on obéit encore beaucoup… Un maître d’ouvrage peut obéir à des ordres, à des instructions, à la mode. Ces motivations ne sont pas intéressantes pour nous : elles n’ont pas l’énergie d’aller au fond de chaque projet. Mais si le maître d’ouvrage cherche à valoriser sa propre activité et agit par conviction pour produire un bien durable et performant, nous avons là un levier passionnant.
Certaines équipes trouvent dans l’approche durable une motivation forte qui vient parfois compenser leur rémunération, je pense ici, par exemple à celles de la Ville de Montpellier, de Besançon, de l’OPAC 38, des Parcs et Jardins de Lyon.
Dans d’autres pays comme la Suisse, par exemple, nous sommes déjà entrés dans une logique de capitalisation patrimoniale : on y a compris que l’éco-conception est une véritable économie.

LERM
Le coût de l’éco-conception et de la construction durable n’est-il pas un obstacle à la décision ?

Daniel Fauré
Tout dépend à quoi l’on compare le budget d’un bâtiment durable. Nombreux sont les projets existants qui ne respectent tout simplement pas la loi, qui ne connaissent aucune approche qualité. La moitié d’entre eux ne respectent pas la RT 2005. Que va représenter, dans l’avenir, leur mise à niveau par rapport à leur budget de départ et quel est leur coût de fonctionnement et d’entretien ?
Les canadiens, qui ont maintenant du recul sur la question, estiment qu’aujourd’hui un bâtiment durable coûte seulement de 3 à 5% plus cher qu’un bâtiment qui ne l’est pas.
Enfin, je rappelle que les critères envisagés ne sont pas les mêmes : le coût d’un bâtiment habituel reporte ailleurs dans l’espace et le temps des éléments de son coût global. On ne parle donc pas de la même chose…

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Source : Charte pour la Qualité Environnementale des opérations de construction et de réhabilitation en régions méditerranéennes

LERM
La complexité de la démarche d’éco-conception permet-elle de définir une méthode standard de conception ?

Daniel Fauré
L’acte de bâtir est déjà complexe. Nous vivons dans un monde technique où les objets sont complexes et sont produits par ce qu’on appelle l’intelligence collective. Attention : des objets de conception complexe peuvent être simples et, par ailleurs, doivent être des outils d’usage facile. Il en va de même du bâtiment.
Il existe bien sûr des méthodes transférables, mais rien ne saurait se répéter, car chaque problématique est unique.
Sur la question de la méthode, les labels existants ne nous sont d’aucun secours car il ne s’agit pas d’outils méthodologiques mais de grilles d’audit, pourrait-on dire.
Le problème central, pour ce qui concerne la méthode est, me semble-t-il, celui de la formation. Il faut comprendre que nous passons d’une écologie de niche à une écologie de masse… Et nous n’avons pas encore pris toute la mesure de cet enjeu. Dans ce domaine de la formation, en France, nous sommes encore dans le bricolage. Il faut prendre la question à bras le corps : intégrer l’éco-conception à la formation initiale des architectes et des ingénieurs est aujourd’hui une nécessité. De la même façon, il convient de développer des outils de formation continue.
Ces outils sont en cours de réalisation avec des centres de ressources, dont celui d’Envirobat, dont nous aurons l’occasion de reparler, centres de ressources que l’ADEME organise en réseau national. Le CSTB est également présent sur ce terrain où beaucoup, néanmoins, reste faire.
LERM
L’éco-conception modifie-t-elle les relations entre acteurs d’un projet ?

Daniel Fauré
Pour mener à bien un projet durable, il faut, comme pour qu’une table soit bien d’aplomb, quatre pieds : ces pieds sont un maître d’ouvrage motivé, une équipe de conception compétente, des entreprises parties prenantes et des usagers avertis du bâtiment.
Les usagers sont souvent oubliés dans la conception habituelle. Ce sont eux, pourtant, qui feront fonctionner le bâtiment et c’est à leurs besoins qu’il doit répondre.
L’éco-conception élargit les notions de surface et de temps d’un projet : il s’agit de prendre en compte toute sa durée de vie, l’ensemble des paramètres de production de ses matériaux constitutifs, la conduite du chantier. Penser durable c’est donc prendre en compte un nombre croissant de paramètres et d’acteurs.
Les relations entre tous ces acteurs passent par la médiation d’outils de cohérence entre professionnels de l’acte de bâtir : aucun élément d’analyse du projet (par exemple l’analyse des matériaux) ne doit être séparé de la démarche d’ensemble. L’ensemble de l’analyse des données doit être reprise dans des documents de synthèse qui doivent permettre la consultation des entreprises. Mais ces documents, qui permettent l’expression de la demande, autorisent également la vérification de l’adéquation entre fourniture et demande. Enfin, ils sont suffisamment élaborés pour devenir également des outils d’anticipation sur l’entretien et la maintenance du bâtiment. Au fond, nous sommes tout simplement, ici, dans une démarche qualité générale.

LERM
Selon vous, les contraintes de l’éco-conception briment elles la créativité des projets ou, au contraire la stimulent-elles ?

Daniel Fauré
La conception, au fond, ne connaît que des contraintes ; celles de l’éco-conception n’ont rien d’exceptionnel. Pour moi, elles sont stimulantes comme le sont toutes les contraintes qui composent un projet de conception.
Dans ce domaine de la conception, soit on répète des lieux communs sans les prendre à son propre compte et l’on construit alors des ouvrages sans intérêt qui seront rapidement décriés, soit on va au fond du projet et l’on produit alors, au fur et à mesure les outils qui nous sont nécessaires pour le conduire. Pour moi, la contrainte durabilité est évidemment motivante.
LERM
Certains architectes sont très hostiles à ce qu’ils appellent l’idéologie du durable…

Daniel Fauré
Ils ont raison ! Il convient de s’entendre sur ce que l’on appelle contrainte… Répondre à une certification tatillonne, qui consomme en suivi de type administratif le temps précieux de la conception, cela, disons le, est une contrainte qui n’est pas productive.
C’est précisément dans le but d’offrir aux maîtres d’ouvrage, soucieux de faire reconnaître leurs efforts en matière de qualité environnementale, que le PRIDES Bâtiments durables de Méditerranée prépare un label basé sur une méthode complètement intégrée à la démarche d’élaboration du projet et qui n’impose pas d’audit externe. Ce label sera finalisé fin décembre (2008). Il présentera cette particularité de permettre une validation en trois temps : validation à la conception, validation à la réception et validation après 2 ans de fonctionnement. Ce label, tout en étant méditerranéen, est bien-sûr en convergence avec l’ensemble de ce qui existe dans ce domaine au niveau européen.

LERM
Puisque nous parlons des outils, pouvez-vous nous présenter l’association Envirobat ?

Daniel Fauré
L’association Envirobat – Méditerranée, dont la Présidente est Dominique Maigrot, a pour vocation de promouvoir et de développer la qualité environnementale des opérations de bâtiment et d’aménagement du territoire, en région méditerranéenne. Elle regroupe des acteurs de l’ensemble de la filière aménagement – bâtiment : maîtres d’ouvrage, collectivités locales, architectes, bureaux d’études, artisans, entreprises, paysagistes, urbanistes … Sa vocation est d’être un centre de ressources qui met à la disposition de l’ensemble des acteurs des informations, de la formation, des retours d’expériences et différents outils. Le centre fournit déjà 1 million de références. Notre objectif est aujourd’hui de fournir gratuitement l’ensemble de ce qui relève de la motivation pour l’éco-conception et de ne faire payer que les outils professionnels.
L’Association est membre du PRIDES Bâtiments durables de Méditerranée, que je viens d’évoquer à propos du label. L’existence de ce PRIDES indique bien que la question du bâtiment durable est aujourd’hui ancrée dans la politique économique de la Région.

 

En savoir plus

Le site d’Envirobat
http://www.envirobat-med.net/

Le PRIDES Bâtiments Durables de Méditerranée
http://www.envirobat-med.net/-Batiments-Durables-Mediterraneens-

Charte pour la Qualité Environnementale des opérations de construction et de réhabilitation en régions méditerranéennes
http://www.envirobat-med.net/IMG/pdf/Charte_QEB_codebaque_Janv_07-2.pdf