Analyse du cycle de vie : Entretien avec Philippe Osset, Directeur général chez Ecobilan

 

ossetPhilippe Osset est Directeur général chez Ecobilan. En compagnie de Laurent Grisel, il est l’auteur de  » L’Analyse du Cycle de Vie d’un produit ou d’un service – applications et mise en pratique  » AFNOR Editions.

LERM
Pouvez-vous nous présenter Ecobilan ?

Philippe Osset
PricewaterhouseCoopers est un cabinet international de conseil en transaction et en management. Cette activité de conseil emploie environ 25 000 personnes à l’international, dont 800 en France. Le département développement durable assure une partie de l’activité historique de vérification du cabinet auprès, par exemple, d’entreprises du CAC 40, ceci dans le cadre de son activité d’audit : vérification des audits d’acquisition incluant le passif environnemental des entreprises, vérification des déclarations environnementales et sanitaires (accréditation AFAC-AFNOR), vérification des émissions de CO2 dans le cadre des quotas d’émission (certification COFRAC), enfin vérification des filières sous l’angle du social selon la norme de responsabilité sociétale SA 8000.
Ecobilan a rejoint le département développement durable de PwC en mars 2000 et y est totalement intégré. Nous y avons développé ce que je décrirai comme l’activité de conseil aux entreprises en développement durable.
Le deuxième secteur d’activité du département développement durable travaille sur les grandes problématiques de développement en les articulant sur les exigences de durabilité issues du protocole de Kyoto (eau et climat principalement). Pour donner deux exemples, nous avons travaillé sur d’importants investissements industriels en Inde centrés sur des technologies propres. Nous avons mené, par ailleurs, une étude sur l’accès à l’eau de villes de Roumanie, étude commandée par le Ministère Français des Affaires étrangères pour dégager des perspectives possibles d’investissement solvable pour des entreprises françaises.
Dans ce domaine des grandes problématiques, nous travaillons régulièrement pour la Commission Européenne, en amont de directives ou de programmes d’aide.

Le troisième secteur d’activité de ce département est celui du conseil aux entreprises en développement durable : conseils en stratégie de développement durable (prioriser les investissement en fonction des enjeux définis), mais aussi conseils en stratégie produits (amélioration de l’impact environnemental des produits et éco-conception).
L’intégration d’Ecobilan à PwC signifie que nous faisons de la vérification, de la revue critique de rapports comparatifs, du conseil aux entreprises en termes de bilan produit, de benchmark, d’éco-conception, de communication environnementale. Nous bénéficions du soutien transversal d’autres départements du cabinet, en conseils informatiques, notamment, mais aussi en capacité d’audit interne et en droit de l’environnement, grâce à notre association avec le cabinet Landwell.

LERM
Quel type de service et de conseils avez-vous apportés au LERM ?

Philippe Osset
Avant notre travail avec le LERM, nous étions déjà très concernés par la problématique du bâtiment. Avec plus 40% de la consommation énergétique et plus de 25% des émissions de gaz à effet de serre, ce secteur, devant l’industrie et les transports, est un axe majeur du développement durable.
Forts de notre expérience pionnière en ce domaine, nous avons activement contribué à l’élaboration de la norme NF P01-010 qui sert de cadre méthodologique à la pratique de l’analyse du cycle de vie des produits de construction. Nous sommes aussi partenaire de l’Association HQE.

Le LERM souhaitait un accompagnement pour le cadrage d’un projet de déclaration de produits en pierre : il s’agissait à la fois de définir les paramètres et les coûts d’un tel projet et de transférer les outils et le savoir-faire en analyse du cycle de vie.

Le LERM a donc acquis le logiciel TEAM™ et sa base de données. Nous avons réalisé une étude pendant que le LERM menait lui-même deux autres études, études d’application pourrait-on dire. Notre accompagnement n’est pas permanent ; il se fixe sur des points clés de l’analyse : le choix de la méthodologie, le recueil des données et les premiers calculs, l’application de la norme pour le remplissage des fiches. Notre objectif commun est évidemment l’autonomie de la pratique.

LERM
Quel est votre intérêt dans la fourniture des outils et la dissémination du savoir-faire ?

Philippe Osset
Le développement durable est un enjeu fondamental. Nous sommes partie prenante de son déploiement et toutes les pratiques qui concourent à ce déploiement sont à encourager. Nous pratiquons des ACV, et l’ACV est l’occasion d’une réflexion sur la stratégie produit, sur l’image de l’entreprise, sur l’amélioration du process. Ces choses sont difficiles à faire seul. Plus il y aura de motivation en ce domaine et plus nous aurons d’opportunités d’accompagner des entreprises dans ce type de démarche.

LERM
Classiquement, dans le secteur du bâtiment, une ACV débouche sur une fiche de déclaration environnementale et sanitaire… Mais peut-elle servir à autre chose ?

Philippe Osset
Il est vrai qu’il y a une demande d’ACV pour la déclaration environnementale et sanitaire des produits.
Mais l’ACV est un outil puissant qui va au-delà ce type de production. L’application en interne de l’ACV permet de réfléchir au management environnemental de l’entreprise. En effet, en intégrant l’ensemble des flux entre un site et son environnement, et en permettant de modéliser les évolutions dans le temps et de comparer des références, l’ACV autorise un benchmark interne à l’entreprise (évolution dans le temps) ou entre sites, ou entre entreprises qui permet une réelle évaluation des performances.

Enfin, en permettant de faire varier les données et d’enregistrer l’impact de ces variations sur le résultat global, l’ACV autorise l’élaboration de différents scénarii d’éco-conception pour l’amélioration des procédés et les changements de conception.

Cette évaluation interne et externe qu’autorise la grande règle de trois qu’est au fond une ACV, permet de situer objectivement l’entreprise au sein de son environnement concurrentiel. Le travail fin de variation des données, permet d’organiser et de hiérarchiser les priorités dans la perspective d’investissements maîtrisés.

Ce type de mission nous intéresse tout particulièrement. Nous pouvons accompagner nos clients jusqu’à la définition de leurs techniques de reporting et leur stratégie de communication environnementale.

LERM
Qu’est-ce que vous ne faites pas pour vos clients ? (Rires…)

Philippe Osset
Votre boutade met le doigt sur une vérité : notre vocation est de fournir un accompagnement aussi cohérent que possible à nos clients sur des questions complexes ; c’est la raison pour laquelle nous tâchons de décliner une offre sur tout la chaîne de valeur.

LERM
Complexité, vous avez lâché le mot, est-ce que cette question de l’analyse du cycle de vie n’est pas extrêmement complexe ?
Philippe Osset
Deux choses : la complexité peut se réduire à des éléments simples par l’analyse et, d’autre part, toute la méthode employée dépend des objectifs de l’étude.

Vous entrez dans un garage pour que le mécanicien fasse marcher votre voiture, non pas pour qu’il utilise a priori son tournevis : vous avez un problème à résoudre, il porte un diagnostic, et ensuite seulement il utilise les outils adéquats.
L’ACV est un outil qui sert à toute une gamme de services. Le plus gros de notre travail consiste à définir avec nos partenaires, leurs besoins et leurs objectifs. La norme, elle-même, est un outil. On ne peut l’appliquer mécaniquement et il convient toujours de définir au préalable les données pertinentes en fonction des objectifs retenus.

Quant à la complexité, une fois que les objectifs retenus ont permis d’identifier les données et de délimiter le champ de l’étude, l’analyse permet de l’organiser en arborescence d’éléments simples… Trois grandes étapes dans la vie d’un produit : la production, l’utilisation, la fin de vie : on définit pour chacune de ces étapes autant de sous-ensembles que nécessaire qui s’emboîtent comme des poupées russes.

On parle beaucoup aujourd’hui d’ACV simplifiées… C’est tout à fait ce que nous proposons en adaptant la norme aux besoins du client ; il n’y a, selon moi, que des ACV adaptées à des projets originaux et particuliers.
LERM
Deux mots sur le logiciel TEAM™ ?
Philippe Osset
Oui, TEAM™ est notre outil d’analyse de cycle de vie de produits ; il est associé à une base de données. Ce logiciel, je vous l’ai dit, est une machine à faire des règles de trois. On l’alimente par des données recensées sur site et par des données bibliographiques. En cas d’absence de données, on modélise les informations. Chaque projet étant spécifique, TEAM™ peut être paramétré en fonction des problématiques particulières de l’utilisateur.

Nous avons mis au point TEAM-BATIMENT™, qui a reçu le premier prix de l’Association HQE en 2008. TEAM-BATIMENT™ permet l’évaluation complète d’un bâtiment. Nous l’avons conçu comme un outil collaboratif de type web qui permet l’échange d’esquisses entre utilisateurs (architectes, producteurs, donneurs d’ordres, ingénieurs…). Le partage de la solution peut être un outil précieux pour la réponse dynamique à des appels d’offres.

En savoir plus

Le site d’Ecobilan
http://www.ecobilan.com/index_fr.html

Le site de PricewaterhouseCoopers
http://www.pwc.fr/