Entretien avec Claire de Guiza, Correspondante locale du Pôle Risques et vulnérabilités des territoires au sein de la DIRECCTE
Claire de Guisa, vous appartenez à la DIRECCTE, pouvez-vous nous présenter cette nouvelle Direction régionale ?
Nouvelle, c’est bien le mot, puisque la création des DIRECCTE en régions doit s’échelonner sur l’année 2010… Celle de PACA, à laquelle j’appartiens, existe déjà.
La création des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi (DIRECCTE) correspond à la simplification de l’organisation de « l’Etat territorial ». La DIRECCTE constitue ainsi l’une des huit nouvelles structures régionales, au lieu de 25 précédemment , placées auprès du Préfet de région.
Elle pilote et met en œuvre les politiques publiques placées sous la responsabilité des Ministres de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, avec l’accompagnement des entreprises en facteur commun.
Comment avez-vous été amenée à rencontrer ARDEVIE ?
Chaque pôle de compétitivité, en France, est suivi par un correspondant interministériel unique et un correspondant local pour l’Etat.
En lien avec la préfecture de région, ce correspondant local est le facilitateur et l’interface du pôle dans ses demandes de financement auprès de l’Etat, et dans de nombreux autres échanges.
Je suis donc correspondante du Pôle «Gestion des risques et vulnérabilités des territoires», pôle qui concerne PACA et Languedoc-Roussillon.
L’une des vocations de ce pôle est la maîtrise des risques technologiques pour le traitement des déchets industriels.
Il se trouve que l’INERIS, le CEREGE et le LERM appartiennent au « Pôle Risques » et sont également les acteurs de ARDEVIE, qui est, en quelque sorte, la plateforme thématique expérimentale déchets du Pôle. l’INERIS, le CEREGE y participent en tant qu’acteurs institutionnels et le LERM en tant qu’acteur privé.
Le grand intérêt de cette plateforme est de pouvoir porter des projets mutualisés entre plusieurs clients et d’apporter des solutions innovantes qui satisfont à la fois l’intérêt général et les clients particuliers qui apportent leurs problématiques.
Où en est ARDEVIE aujourd’hui ?
Au cours de l’année 2009, nous avons commandé une étude pour connaître la perception du positionnement de ARDEVIE par les acteurs de la filière et pour définir les axes de son développement. Nous avons été confortés dans l’idée que la communication et l’identification de la plateforme était à présent des facteurs essentiels de la croissance de ses activités. Un travail de mise en ligne du site de la plateforme et d’édition d’une plaquette a d’ailleurs été entrepris. L’outil existe donc, il convient maintenant que les possesseurs de déchets industriels s’en saisissent.
Selon vous, qu’est-ce qui les motivera à le faire ?
Il me semble que c’est la convergence de réponses techniques adaptées et économiques, d’impératifs réglementaires et de nécessités environnementales qui motivera les détenteurs de gisements de déchets à chercher des voies de valorisation.
La question de la santé publique est un bon exemple d’un élément décisif de passage à l’action. Le groupe santé du Grenelle de l’environnement a souligné la nécessité d’une approche globale de la santé et proposé la prise en compte explicite de la politique environnementale en tant que composante d’une politique de santé.
Une telle recommandation implique, à terme, une politique de traitement des déchets qui dépasse la question de la collecte et du tri et qui aborde la question de la valorisation. Les initiatives innovantes en ce domaine ne sont encore pas très nombreuses.
C’est également la voie que dégage la Directive européenne sur les déchets, dont l’article 1 précise qu’elle vise à protéger l’environnement et la santé humaine.
Cette convergence dont vous parlez signifie au fond le dépassement d’un certain nombre d’obstacles à la valorisation des déchets et à l’usage de matériaux recyclés…
Oui, ces obstacles vont se lever, et c’est à ce moment que l’existence d’une plateforme éprouvée comme Ardevie prendra tout son sens. Aujourd’hui, elle anticipe sur une situation à venir où recyclage-valorisation seront la norme. Mais revenons à votre question.
Le premier élément facilitateur est la loi : en vertu du principe pollueur-payeur, puis du régime de responsabilité élargie des producteurs, ceux-ci sont désormais contraints d’anticiper sur le devenir des déchets de leur activité et sur le destin de leurs produits arrivés en fin de vie.
La deuxième question à traiter, me semble-t-il, est celle de l’acceptabilité publique des matériaux recyclés. Ici encore les compétences d’une plateforme comme ARDEVIE sur la caractérisation et la performance environnementales du matériau recyclé sont un enjeu pour l’avenir.
Je précise ici que la valeur des travaux et de l’expertise d’une telle plateforme doit être relayée par un travail de concertation sur le risque.
Ce travail est précisément une mission du Pôle Risques. L’expérience montre que, pour rendre acceptables des matériaux alternatifs, de nombreuses oppositions doivent être assouplies puis dépassées. Le Pôle Risques développe une méthodologie et une mise en pratique de la concertation qui permet la validation des conditions de réemploi des matériaux valorisés.
Le troisième obstacle est de nature locale : dans le Sud de la France, il n’y a pas d’injonction de recours aux ressources alternatives dans la mesure où la raréfaction des ressources naturelles n’y est pas encore sensible : il y est donc toujours plus simple d’exploiter que de valoriser.
Les obstacles que vous décrivez font douter de l’existence d’un marché pour les déchets valorisés, marché pourtant spécifié, par la Directive européenne, comme l’un des critères pour la sortie du statut de déchet ?
Votre question résume bien le point où nous nous trouvons : pour qu’il y ait un marché, il faut qu’une offre économique rencontre une demande solvable et socialement acceptable.
Socialement acceptable, la demande va le devenir, précisément par le sérieux des études préalables à la valorisation, mais également par la progressive prise de conscience générale de la nécessité de transformer les déchets en ressources alternatives.
Economique, la solution du recyclage le deviendra par la pression croissante de la contrainte règlementaire qui traduit en fait un volontarisme politique qu’on voit à l’œuvre dans le Grenelle ou dans les orientations de l’Europe vers une société dite du recyclage.
Quelles sont les perspectives d’ARDEVIE ?
A court terme, les perspectives d’ARDEVIE sont de mener des opérations innovantes et modèles ; à moyen terme, les perspectives de la plateforme sont d’être préparée à la maturité des conditions d’entrée dans une société du recyclage (durcissement du contexte réglementaire, raréfaction des ressources naturelles, protection des paysages, prise en compte de la santé environnementale, mesure du coût de l’inaction face aux problèmes…). Enfin, à long terme, mais c’est déjà demain, il s’agit de l’inscrire dans la généralisation d’un mode de production où le coût environnemental et la fin de vie des produits sont anticipés par les outils de l’analyse du cycle de vie et de l’éco-conception.
En savoir plus
Le site d’ARDEVIE : www.ardevie.eu
Notre article sur ARDEVIE : ci-dessus
Notre analyse de la directive européenne sur les déchets : ci-dessus