Portrait d’Isabelle Moulin

Entretien avec Isabelle Moulin, Ingénieure d’études déchets & Matériaux, Responsable Département Environnement au Lerm

 

isa_moulin_lermIsabelle, nous pouvons peut-être commencer cet entretien par ce qui a motivé l’orientation de tes études ?
Après le bac, je suis entrée dans une prépa option biologie, parce que depuis longtemps déjà, j’étais intéressée par l’agronomie et tout ce qui touchait à la science des sols. C’est dans cette prépa que j’ai découvert la géologie, mais plus généralement le monde minéral et la physico-chimie.
A l’issue de cette prépa, j’ai donc intégré l’Ecole de Géologie de Nancy, option physico-chimie, et hydrologie et gestion de l’environnement. Sous son intitulé de géologie, cette école est au fond une école pluridisciplinaire qui mène également aux métiers du pétrole, de la mine, de la géotechnique, de l’hydrologie… Cette variété, cette transversalité des connaissances, outre qu’elle satisfaisait ma curiosité, m’a été bien utile pour la suite.

 

Pour ce qui te concerne, quelle a donc été la suite ?
La suite pour moi, cela a été un stage de fin d’études au CIRSEE où j’ai travaillé sur une étude portant sur le traitement tertiaire des eaux usées par ozonation. Ensuite, comme à Nancy les étudiants étaient  associés à des projets de recherche menés par des équipes de chercheurs, j’ai également découvert le monde de la recherche. Séduite, j’ai souhaité mener une thèse, sous la direction de Jean-Yves
Bottero, sur la spéciation des métaux lourds dans les phases cimentaires hydratées.
Il s’agissait d’évaluer les impacts, sur l’hydrataion du ciment , de l’usage des combustibles de substitution qu’on emploie dans les fours des cimenteries. C’est alors que j’ai étudié la physico-chimie des liants hydrauliques, qui m’a passionnée. Ma formation, par sa dimension environnementale et par l’orientation qu’avait pris mon intérêt pour la physico-chimie me mettait donc à l’interface des problématiques liants hydrauliques / gestion des déchets…

 

Quand entres-tu au LERM ?
C’est précisément à cette date, en 1999, que j’entre au LERM… Plutôt attirée par la recherche appliquée, je me sens vite bien dans une structure de cette taille où l’on peut participer et s’investir dans un domaine où l’on reste proche des problématiques de recherche.
Compte tenu de ton profil, qu’attend-on alors de toi au LERM ?
A cette époque, le LERM faisait de l’environnement… sans vraiment le savoir. Avec les moyens de laboratoire et les compétences qui étaient les siens (physico-chimie, minéralogie, connaissance approfondie des matériaux minéraux), il travaillait sur la valorisation des résidus de procédés thermiques. Mon rôle, en arrivant, outre l’apport de mes connaissances spécifiques, était surtout d’identifier les pratiques et les besoins dans ce domaine et d’insérer méthodologiquement le laboratoire dans ce monde particulièrement évolutif et réglementé qu’est le monde des déchets.
Comment s’est structuré ce nouveau secteur au sein du LERM ?
Nous avons commencé par explorer la spécificité de ce domaine : veille règlementaires, inscription dans le réseau des différents acteurs.
Il s’agissait, ensuite, de faire travailler les outils éprouvés du laboratoire dans un contexte différent. En articulant les métiers du BTP, que le LERM connaissait bien, et la connaissance, que j’apportais, des métiers de l’environnement, on ouvrait deux axes complémentaires de développement : d’une part des voies de valorisation intéressantes en matériaux de substitution, les retours d’expérience nous permettant, en travaillant sur la prévention des pathologies, de garantir une durabilité satisfaisante, d’autre part des procédés de stabilisation de déchets par des liants hydrauliques.

La bonne connaissance, par exemple, des liants sulfo-alumineux était un atout de taille pour le laboratoire.
Au fur et à mesure de la croissance de notre activité,  nous avons développé, dans le laboratoire, notre capacité à caractériser les déchets et renforcé, progressivement, l’équipe environnement du laboratoire.

 

Ton activité au LERM satisfait-elle les intérêts qui t’avaient amenée aux études que tu as faites ?
Oui… Comme je te l’ai dit, c’est ma curiosité qui m’a conduite dans une école pluridisciplinaire. Aujourd’hui dans mon activité au LERM , ma curiosité est toujours mise à contribution. Ainsi, si je travaille majoritairement dans le domaine des matériaux minéraux, les problématiques environnementales sont souvent mitoyennes des questions du vivant et, sans en être une spécialiste, j’appréhende bien, par exemple, les problématiques de sols, ou d’éco-toxicologie.

Mais mon activité au LERM ne satisfait pas seulement ma curiosité scientifique. En 2001, lors de sa création, la direction de l’agence parisienne du LERM m’a été confiée. En 10 ans ses effectifs sont passés de 4 à 10 personnes. Cette responsabilité d’encadrement sur l’ensemble des thématiques du laboratoire a été très formatrice pour moi et j’ai pu avoir ainsi une vision globale et précise de l’ensemble de nos activités. Intégrant la direction opérationnelle de l’entreprise et en devenant ensuite actionnaire, je me suis associée à la réflexion stratégique sur son développement, ce qui donne beaucoup de sens à l’ensemble de mon activité.

 

Quelles sont selon toi les évolutions notables de ce secteur environnement dont tu es responsable au LERM ?
En 10 ans l’évolution a été importante. Une prise de conscience a eu lieu dans l’ensemble de la société, nous le voyons tous les jours, et chez les industriels aussi : ils ne prennent plus à la légère les questions environnementales. La question des déchets, de leur génération, de leur minimisation, de leur devenir, de leur valorisation sont des questions d’actualité.
C’est dans ce mouvement que le LERM s’est formé et équipé, en 2007, pour la conduite d’analyses du cycle de vie qui permettent de comprendre et de réduire les impacts environnementaux des produits et systèmes de constructions.

Enfin, l’intégration du LERM au sein du groupe SETEC ouvre, me semble-t-il, à ce domaine environnemental de l’activité du LERM des opportunités de développement, dans la mesure où une part importante des études menées par les différentes sociétés du groupe,peuvent intègrer aujourd’hui une composante développement durable.

 

Que t’inspire, à partir de ton expérience, le thème de cette Lettre d’information : Patrimoine bâti et développement durable ?
Le patrimoine bâti vernaculaire dans la mesure où il est parvenu jusqu’à nous, donne une belle preuve de durabilité. Un parallèle avec les recherches menées aujourd’hui sur l’éco-conception nous montre que le bâti traditionnel, compte tenu des moyens, des ressources mises en œuvre, et des performances atteintes, peut être considéré comme les prémices d’un développement durable.
Il me semble que dans cette perspective du bâti patrimonial, une nouvelle approche se fait jour, suivant l’exemple du génie civil, par exemple, où les réalisations contemporaines sont conçues dès l’origine dans une perspective de gestion patrimoniale : ainsi les durées de service contractuelles des grands ouvrages stimulent la réflexion sur leur durabilité et sur l’économie de leur maintenance.

Enfin, puisque ta question porte sur le patrimoine, je renverserai la perspective en partant du point de vue selon lequel les ressources minérales, par exemple, ou une atmosphère de qualité, ou la ressource en eau ou encore les ressources énergétiques, bref, tout ce qui serait bien commun, sont à considérer comme du patrimoine qui doit être préservé et transmis.
Tout le travail du LERM, alors, sur les questions environnementales, sur la conception de matériaux de substitution, sur la valorisation de déchets s’inscrit dans cette préoccupation d’atteindre un développement qui serait durable et dont le patrimoine bâti, sous une certaine forme  nous donne un bel exemple.