Entretien avec Magalie Brusin: Responsable des marchés publics au LERM
Magalie, peux-tu nous décrire ton parcours au sein du LERM ?
Je suis entrée au LERM… il y a 11 ans (déjà !) pour tenir le poste de standardiste. Rapidement, il m’a été demandé de rédiger des devis, puis de produire des rapports d’étude.
Je suis donc devenue assistante. Il n’y avait alors au LERM que deux postes de ce type.
Progressivement, je me suis chargée de la réponse aux appels d’offre de marchés publics. Nous n’avions alors aucune démarche systématique en ce domaine, ni aucune veille.
En fait, nous répondions quand on venait nous chercher, dans le cadre d’une consultation restreinte, par exemple.
Petit à petit, je me suis formée dans ce domaine, d’abord sur le tas, par la pratique, puis en suivant des formations spécifiques.
Aujourd’hui je suis responsable des marchés publics au LERM : veille, tri et sélection des offres, constitution et organisation de dossiers de réponses, suivi des relances.
C’est un travail très administratif, non ?
Il y a une part d’administration, oui, de connaissance du code des marchés publics, des procédures de réponse, mais il y a une autre part, très importante, de rédaction du mémoire technique en réponse au cahier des charges. Pour cette partie, je travaille avec l’ingénieur qui se charge du dossier et l’élaboration de la réponse met en jeu tout le métier, les compétences et les références du laboratoire.
D’ailleurs ce travail constant sur la mise à jour des références du LERM m’amène également régulièrement à présenter le laboratoire, si bien que mon activité se tient à l’intersection de nombreux domaines : technique, commercial, communication… et administration, en effet.
Tu peux nous décrire une réponse type ?
Il n’y a pas de réponse type, c’est tout l’intérêt de la chose ! Sans entrer dans les détails, je te dirai que chaque réponse est un challenge : il faut d’un côté respecter une date butoir, d’un autre côté remplir parfaitement de nombreuses formalités, enfin constituer une réponse argumentée et compétitive.
Tout cela doit être mené de front dans des délais qui génèrent souvent du stress, surtout quand il faut récupérer de l’information émanant de sous-traitants ou de cotraitants.
En amont de cette sorte de course, je trouve très intéressante la phase d’analyse de l’enjeu de l’offre et d’évaluation de nos chances… Il s’agit d’analyser le marché et d’anticiper
sur la concurrence possible pour optimiser le dossier. C’est une belle occasion de connaître l’entreprise dans son environnement…
Si notre proposition est retenue… c’est une vraie satisfaction : satisfaction du travail accompli et efficace, satisfaction de contribuer à la santé financière du LERM…certains marchés sont très importants.
Et si la proposition n’est pas retenue ?…
Cela arrive !… Le travail ne s’arrête pas pour autant, au contraire : nous analysons notre échec ; nous demandons les motifs de notre « non retenue ».
C’est cette réflexion qui permet d’affiner les prochaines réponses. Alors de la déception bien sûr, mais l’échec, dans ce domaine, c’est aussi le moteur de l’amélioration.
Tu sais que le thème de cette lettre d’information est le chlore et les chlorures et que ton portrait est certes celui de la responsable des marchés publics au LERM, mais aussi celui d’une salinière… Tu peux nous dire ce que c’est qu’une salinière ?
Une salinière ou un salinier, c’est quelqu’un qui habite le Salin de Giraud, un hameau d’Arles qui en est distant de 40 km.
C’est aussi quelqu’un qui travaille à la production et à la récolte du sel aux Salins du Midi, entreprise située…justement à Salin de Giraud !
Comment es-tu arrivée aux Salins de Giraud ?
J’y suis arrivée à l’âge de 14 ans… Mes parents habitaient dans le Nord, à la frontière Belge. Ils ont fait le choix, suite à une opportunité de travail aux Salins du Midi, de venir ici dans l’extrême sud, tout au bord de la Méditerranée.
Quand tu arrives ici, tu as l’impression que rien ne change : maisons de briques en coron, où l’architecture traduit la hiérarchie de l’entreprise…Mais rapidement tu comprends que tu es plus qu’à la campagne, tu es carrément dans la nature : des marais partout, des taureaux, des chevaux, des oiseaux, des flamands (roses !), des hérons, des plages immenses et désertes, le soleil, le mistral, le vent du sud qui lève de grosses vagues bruyantes, le chant des grenouilles, la nuit, le Rhône qui se jette dans la mer à deux pas de chez toi… Bref tu es en Camargue.
Tu ne te sens pas un peu perdue dans ce bout de Camargue ?
Perdue non… Cet isolement a son charme et est précieux pour moi qui aime la tranquillité, la proximité de la nature et de la mer.
Et puis il y a une vraie vie commune ici au Salin : les gens y ont la passion de la Camargue et partagent le même travail du sel qui est considéré comme une activité agricole puisqu’on le récolte chaque année. Les fêtes, jusqu’à ces derniers temps y étaient très vivantes… mais la réduction de l’activité salinière et les licenciements (il reste une cinquantaine de personnes sur les 350 qui travaillaient ici à mon arrivée) font planer une inquiétude qui se ressent sur tout le village.
La Camargue est un écosystème fragile et artificiel où l’activité salinière reste nécessaire : gestion des mouvements d’eau, entretien des digues contre la mer, etc… On peut espérer que dans cette perspective, malgré les aléas économiques, cette activité se maintienne et que le Salin reste un hameau habité et vivant.
Et pour finir sur une note poétique… peux-tu nous parler de la fleur de sel ?
La fleur de sel d’ici ne sort pas de chez nous !… On la récolte pour ses propres besoins… ou pour l’offrir ! Elle se forme en surface des tables et est souvent poussée par le vent sur leurs bordures. Contrairement au gros sel, on la récolte plusieurs fois pendant l’été. Plus fine que le gros sel, la fleur de sel, je trouve, a une saveur plus délicate… Tu vois, encore une bonne raison de vivre ici…
FOCUS : Comment faisons-nous le sel au Salin de Giraud ?
Avant tout, il nous faut de l’eau, nous pompons 50 à 60 millions m3 d’eau de mer, puis nous lui faisons parcourir la plus grande distance possible sur des étangs
à faible épaisseur d’eau, jusqu’à obtenir une densité de 1.215 (soit 260 gr de sel/litre d’eau) dans cet état l’eau est saturée. A ce moment là nous l’étalons sur des
cristallisoirs (surface plane et régulière), afin de faire déposer le sel pour pouvoir le ramasser. Nous évaporons 9/10ème de l’eau pompée.
La production se passe de février à mi-septembre en général, car comme tout métier de l’agriculture le facteur climatique joue beaucoup.
Il existe deux types de production : traditionnelle et contre sel.
– Production traditionnelle : le sel est déposé sur la terre, avec un entretien annuel des surfaces de récolte
– Production contre sel : le sel est déposé sur un talon de sel, l’avantage de ce type de production c’est qu’il n’y a pas d’entretien et que le sel est propre, mais l’inconvénient c’est la perte de sel durant les pluies d’hiver.
La récolte a lieu, pour la récolte traditionnelle, en septembre pour éviter les pluies d’automne et la récolte contre sel, fin novembre début décembre après les pluies d’automne.
Les tables résistent mieux aux pluies, car il y a une couverture importante d’eau saturée (60 cm).
La récolte est mécanique : le sel est raboté par des « raboteuses » utilisées pour le BTP sur les routes pour le goudron et les carrières.
Elles chargent des camions qui amènent le sel sur la camelle définitive avant d’être expédié par route ou voie maritime.
Superficie de production 240 ha contre sel, 260 ha traditionnelle – surface préparatoire 5500 ha de superficie préparatoire.