Portrait de Alexa Bresson, ingénieure au département « ingeniérie des matériaux » du Lerm

Lerm
Alexa,  on peut peut-être commencer cet entretien par les motivations qui t’ont conduite à l’étude des matériaux…

Alexa Bresson
Tout commence dans ce domaine par une sorte de grand écart : après le bac et avoir rêvé d’être bûcheronne pendant toute mon enfance, je souhaite devenir professeure pour sourds et malentendants. Il faut, au préalable, être titulaire d’une licence. Comme j’ai un bac scientifique, je démarre, à Paris 6, une licence de maths-informatique. En deuxième année, je prends une option mécanique puis enchaîne sur une licence de technologie mécanique au sein de laquelle je suis un cours optionnel de génie civil. J’adore ça, mais l’histoire ne commencera vraiment qu’en 4e année…

Ta voie est alors toute tracée…

Loin de là !…  Le génie civil m’intéresse beaucoup, à la fois par les connaissances variées que la discipline requiert, mais aussi par son côté concret et créatif. Le produit fini de cette discipline, la notion d’ouvrage ont beaucoup d’attrait pour moi… Je suis cependant encore très attachée à mon projet de professorat.  Je poursuis ma maîtrise en génie civil à Paris 6 – ENS Cachan, au cours de laquelle je fais un stage de un an à raison d’un jour par semaines dans le labo de recherche de chez Eiffage, qui met alors au point le BEFUHP. J’enchaîne ensuite avec un stage de fin d’année de 4 mois au CRIB (Centre de Recherche sur les infrastructures en Béton) au Québec où je dois travailler sur les bétons aux jeunes âges sous la direction de Jacques Marchand, qui deviendra, ensuite, mon directeur de thèse.
On me propose là, un master sur le béton aux très jeunes âges…

Tu t’installes alors au Québec…

Tu ne crois pas si bien dire, car après le master viendra la thèse, si bien que mes 4 mois de stage deviendront au final 8 ans. Mais n’anticipons pas !…
En acceptant le master, je suis heureuse de prolonger mon séjour au Canada. J’y aime la vie et j’y aime les études à la québecoise.

… et comme dit si bien Gilles Vigneault, « Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver… »

C’est à dire ?

Mon sujet nécessite un gros programme de laboratoire. L’équipement des labos y est impressionnant et comme, étudiant, tu y fais tout toi-même, tu comprends qu’un essai correctement mené, cela prend du temps. C’est précieux pour la suite. J’ai adoré mettre la main à la pâte, c’est le cas de le dire, et oeuvrer ainsi à l’ensemble du processus d’élaboration et de fabrication du matériau. Le tout est pimenté par l’usage des mesures impériales (pouce, pied, verge, livre canadienne…), le tout en base 12 qui implique une bonne gymnastique intellectuelle. Les résistance en psi (pound per square inch) me donnaient des sueurs froides

 

Tu t’es désormais éloignée de ton vœu de départ, non ?

Oui, mais le moteur de tout cela, c’est la curiosité, l’apprentissage, la découverte et les rencontres. Cela ne fait pas forcément des vocations rectilignes, plutôt une forme de braconnage intellectuel. Je renouerai avec le plaisir de transmettre lors de mon retour en France où je serai, pendant deux ans, assistante pédagogique dans un lycée professionnel tout en faisant du soutien scolaire.
D’un autre côté, l’activité scientifique et technique que nous menons au Lerm, mais ailleurs aussi, j’imagine,  est très loin d’être dépourvue de tout engagement social et humain.
Mais nous n’en sommes pas là !

Oui, tu finissais ton master…

Je songe alors à rentrer en France… et l’on me propose une thèse en recherche appliquée en géotechnique routière, domaine inconnu pour moi ! Nouvelle aventure de 4 ans : « Technique de dimensionnement des chaussées pavées de béton en contexte municipal et nordique ».  Cette proposition vient du fait qu’il y a pas mal de modélisation et que je suis à l’aise en maths – informatique et en analyse numérique. Mais il n’y a pas que cela : dans l’intitulé de la thèse, il y a chaussée et… nordique.  Cela signifie un peu de  terrain et en plein hiver. J’ai aimé cela ! Cette thèse m’amène aussi a travailler avec le CERIB à Epernon où je passe ponctuellement durant 4 mois.

Comment se passe ton retour en France après ces 8 ans de formation certes, mais aussi d’absence ?

Heureuse de revenir… mais j’appréhende un peu, car une longue absence est synonyme de réseau professionnel inexistant. Mais tu vas voir que le monde est petit : mes parents sont en Bretagne. Un voisin connaît un voisin qui est prof. de physique. Il connaît, le directeur de l’e-lab de Bouygues qui me met en rapport avec le responsable du labo béton de Bouygues Construction, un ancien du Lerm qui connait Jacques Marchand ! Je viens justement de répondre à une annonce du Lerm… Le réseau a ses raisons…

Tu démarres alors à l’agence parisienne du Lerm

Oui, j’y passe trois mois qui, dès la première étude, me permettent de corriger la représentation de l’entreprise que je percevais comme focalisée exclusivement sur le béton : il s’agit d’une problématique «  brique » à l’usine à eau de Pantin. Cette expertise matériaux généraliste vient régaler ma curiosité…

Tu arrives ensuite sur Arles…

J’y intègre le département matériaux. J’ai le plaisir d’y rencontrer les être vivants que je ne connaissais que par l’organigramme et qui sont autant de ressources et de soutiens techniques. J’y côtoie aussi le laboratoire, ses rythmes et  ses problématiques auxquels mon expérience canadienne m’a rendue sensible.

Les études se suivent sur mon bureau sans se ressembler et cette diversité me permet des découvertes dont je n’envisage pas la fin.

Comment vois-tu la suite au Lerm ?

Nôtre domaine d’intervention est formidablement riche et varié, j’ai donc encore beaucoup d’expérience à acquérir dans le poste que j’occupe. Une autre dimension de l’avenir très proche, c’est l’opportunité qui m’est offerte de conduire maintenant des études sur le patrimoine bâti . C’est une dimension renouvelée de mon champ d’activité dont je me réjouis.