Entretien avec Bernard Bart, architecte, Expert agréé par la Cour de Cassation
Pouvez-vous nous dire ce qu’est un Expert judiciaire »?
Je crois qu’il faut commencer par bien distinguer l’Expert d’assurance, que nous connaissons tous, plus ou moins, de l’Expert judiciaire. Le premier travaille pour une compagnie, le second est, au fond, les yeux du juge sur une question technique lors d’une procédure judiciaire. Etre Expert n’est pas une profession ; c’est une fonction que l’Expert assume le temps que dure sa mission d’expertise. Il est d’ailleurs souhaitable que l’Expert, même s’il est rémunéré dans le cadre de sa mission, ne soit pas un professionnel de l’expertise…
car un tel professionnel ne serait bientôt plus un Expert ! En effet, l’Expert est un professionnel reconnu compétent dans son domaine.
C’est-à-dire qu’il possède la formation, les diplômes, les connaissances académiques nécessaire à l’exercice de sa profession. Il a, de plus, une bonne expérience de son domaine et de sa pratique. C’est ce bagage qui fait de lui un Expert. S’il quitte sa profession, s’il cesse d’exercer son métier, il ne sera bientôt plus au fait de son art et n’évoluera plus que sur l’ère d’une compétence acquise et
non mise à jour. Comprenons bien que ce n’est pas parce que je suis Expert que je suis plus compétent que mes collègues architectes.
Simplement, mon bagage et mon expérience me permettent d’éclairer un magistrat sur les raisons d’un conflit. Ce qui distingue l’Expert, c’est qu’il est engagé, sur sollicitation d’un juge dans une procédure expertale. Hors cette mission, il est un bon professionnel parmi beaucoup d’autres bons professionnels.
Comment devient-on Expert judiciaire ?
Pour différentes raisons, comme celle d’avoir le désir de mettre ses compétences techniques et professionnelles à la disposition de la justice, si l’on souhaite devenir Expert judiciaire, il faut faire acte de candidature auprès de la Cour d’Appel de son lieu de pratique dans l’une des très nombreuses spécialités dont la justice peut avoir besoin pour éclairer le volet technique de telle ou telle affaire.
Vous devez joindre à votre candidature la justification de cours de formation à l’expertise judiciaire. Il s’agit là d’une initiation à la procédure, au droit, au vocabulaire de la justice.
Votre demande est analysée ; si elle est agréée, vous figurez alors sur la liste des Experts de la Cour d’Appel dont vous dépendez. Cette liste est diffusée auprès des juges, qui y puiseront en fonction des affaires qu’ils auront à traiter.
Comment l’Expert est-il nommé sur une affaire ?
La règle est que l’Expert ne connaît pas le juge. Il reçoit une notification du juge qui le sollicite pour une expertise. En fonction de l’évaluation de sa compétence pour mener l’expertise, de son impartialité, de sa disponibilité, l’Expert répond au juge et accepte sa mission….
Vous parlez de mission…
Oui c’est exactement de ce dont il s’agit : l’Expert reçoit du juge une mission très précise, un délai pour la conduite de l’expertise, un ordre de versement de consignation pour couvrir ses frais. Une première phase de l’expertise permet ensuite de réévaluer l’ensemble de l’ordre de mission.
Dans le cadre de sa mission, quand l’Expert fait-il appel à un laboratoire, comme technicien, ou comme sapiteur ?
Prenons un exemple : vous allez chez votre médecin généraliste pour un problème. Pour porter son diagnostic, celui-ci a besoin de vous faire faire une prise de sang. Il vous fait une ordonnance pour aller au laboratoire.
L’Expert recourt de la même manière aux services d’un laboratoire comme le vôtre : un béton armé présente des désordres… Vous avez besoin de connaître la position des aciers, la résistance du béton, son dosage. L’assistance technique du laboratoire fournit, sous forme de résultats d’analyses et d’essais, les éléments nécessaires à la formulation de l’avis de l’Expert.
Pouvez-vos nous dire deux mots du principe de contradiction ?
Ce principe est à la base de toute procédure judiciaire. On ne doit rien faire qui ne soit au contradictoire de l’ensemble des parties. Cela signifie que vous devez diffuser l’ensemble des informations à l’ensemble des parties. Ainsi vous devez les informer de la nécessité de faire intervenir un laboratoire et des raisons de cette nécessité ; vous devez informer sur le calendrier des opérations, sur l’identité du labo, sur ses résultats, etc… Ce principe de contradiction est à la base d’une procédure équitable.
La meilleure expertise scientifique ou technique, si elle manque au contradictoire peut être considérée comme nulle.