Entretien avec Messieurs Gilles De Laâge et Frédéric Létoffé, présidents du Groupement Français des Entreprises de Restauration de Monuments Historiques (G.M.H.)
Pouvons-nous commencer par une présentation du G.M.H. ?
Frédéric Létoffé
Le groupement rassemble 200 entreprises, qui interviennent sur des monuments historiques. Tous les types de métiers sont représentés, et la moitié des entreprises adhérentes sont des entreprises de maçonnerie ou de taille de pierre. Ces entreprises réunies rassemblent un total d’environ 10 000 salariés.
Se joignent également au groupement des partenaires associés : des fournisseurs, des bureaux d’études, des laboratoires, parmi lesquels on compte d’ailleurs le lerm. Le GMH est lui-même affilié à la Fédération Française du Bâtiment.
Quel est l’objectif de ce regroupement ?
Gilles De Laâge
Ce qui réunit tous ces acteurs du patrimoine est une passion commune pour sa préservation et sa restauration. Le but du G.M.H. est de fédérer ces acteurs et de permettre une concertation auprès du Ministère de la culture, des DRAC, des collectivités locales, mais aussi des propriétaires privés, bref de l’ensemble des donneurs d’ordre potentiels. Notre ambition est de perpétuer les chantiers de restauration, pour que les entreprises en vivent, se pérennisent et que se perpétue aussi, par-delà, leurs compétences et leur savoir-faire.
Le G.M.H. mène aussi une réflexion technique qui lui est propre. Cette réflexion est conduite dans des commissions thématiques, dont les travaux débouchent en général sur la parution d’ouvrages à portée très pratique : le plomb, l’incendie, l’accessibilité, les pathologies des enduits, des bétons etc…
Frédéric Létoffé
Gilles De Laâge vient d’évoquer notre souci de la transmission des savoir-faire de la restauration. C’est dans cette perspective que nous avons repris, il y a deux ans, une formation qui existe depuis1947, le Brevet Professionnel Tailleur de Pierres Monuments Historiques (BPMH). Elle est actuellement proposée à une vingtaine de jeunes qui sont formés en alternance pendant deux ans dans des entreprises du groupement et dont le débouché professionnel est assuré dans le vivier d’emplois du groupement. Cette formation concerne aujourd’hui la taille de pierre, mais nous réfléchissons à la mise en place d’autres spécialités.
Comment une entreprise peut-elle devenir membre du G.M.H. ?
Frédéric Létoffé
Ses compétences doivent être reconnues et elle doit être parrainée par deux entreprises déjà membres du groupement. Il convient également que l’entreprise ait une démarche de formation de son personnel et de transmission de son savoir-faire, ce qui exclut de fait, les entreprises individuelles.
Le G.M.H. a aussi, j’imagine une démarche de promotion de ses entreprises…
Gilles De Laâge
Oui, ces entreprises sont portées par des valeurs éthiques et d’excellence qu’il faut faire connaître, et ceci pas seulement au niveau national. C’est la raison pour laquelle nous orientons notre communication vers les toutes nouvelles régions en direction des collectivités locales, mais aussi des associations actives dans le domaine du patrimoine.
Si le poids économique de nos entreprises n’est pas très important, l’importance d’un patrimoine vivant et entretenu est, elle, considérable au regard du tourisme et de son économie. Ainsi, une récente étude menée en Provence Alpes et Côte d’Azur indique que la visite des sites patrimoniaux est la principale motivation des visiteurs, au-delà des plages. C’est sans doute par ce biais qu’il faut sensibiliser les acteurs locaux à la valeur spécifique de nos pratiques.
Nos entreprises ont une activité à forte valeur ajoutée : leur insertion dans le tissu local est garante d’une série d’activités économiques en cascade.
Comment percevez-vous la présence croissante de scientifiques et de techniciens sur les chantiers de restauration ?
Gilles De Laâge
Ceci n’est pas un phénomène nouveau : il y a longtemps que nous travaillons sur les chantiers avec des ingénieurs structure ou microstructure, par exemple. Le chantier est un lieu de problèmes complexes à résoudre, c’est donc aussi nécessairement un lieu d’échanges où se croisent, en s’enrichissant, les compétences. Dans les savoir-faire dont nous sommes porteurs il y a le mot savoir qui s’accommode bien de l’évolution des connaissances dont peuvent nous faire bénéficier les scientifiques. Nous nous situons avec eux dans la coopération et non dans la concurrence.
L’environnement économique concurrentiel ne pénalise-t-il pas vos entreprises à forte compétence techniques et à main d’œuvre très qualifiée ?
Frédéric Létoffé
Il y a environ 260 entreprises qualifiées Monuments Historiques au niveau national et 800 aux niveaux régionaux avec la qualification patrimoine. L’actuelle période de baisse de l’activité entraîne de fait une concurrence qui tire les prix vers le bas ce qui, au final, est synonyme de baisse de la qualité.
Gilles De Laâge
Ce qui est en cause, c’est aussi la pérennité des savoir-faire et de la transmission des compétences sur lesquelles repose la valeur de nos entreprises. Nous remarquons que les entreprises les moins disantes sont aussi souvent les moins qualifiées et donc, dans notre secteur d’activité, les plus fragiles. Chaque disparition d’entreprise est néanmoins un drame. Au-delà de l’emploi, ce sont des années d’investissement, de formation et d’expérience qui s’évanouissent.
Frédéric Létoffé
Le financement des chantiers de restauration est aujourd’hui problématique. Nous réfléchissons aujourd’hui à explorer d’autres sources de financement : la première était les DRAC et le Ministère de la culture ; nous nous tournons maintenant vers le tourisme, vers la coopération avec d’autres associations et vers le mécénat. Encore une fois, pérenniser par leur activité les entreprises de restauration des monuments historiques, c’est pérenniser un patrimoine vivant qui parle au présent, mais également des savoir-faire qui eux aussi sont un patrimoine.
Le site du G.M.H. : http://www.groupement-mh.org/index.php